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moyen de tempérer les ennuis d’une loi fixe par un accommodant arbitraire; il n’était qu’insuffisant. A la lumière de la révolution française, après le passage de tant de nouveautés terrestres qui remuaient le monde, l’Italie, les états mêmes de l’église, il était plus insuffisant encore lorsqu’il renaissait tout entier, et de plus il devenait oppressif par le simple contraste de la résurrection d’un pouvoir vieilli en présence d’une multitude d’instincts ou d’intérêts nouveaux. M. L’abbé Lacordaire a dit le mot : c’était « un gouvernement d’ancien régime, » compliqué seulement de centralisation moderne et d’infaillibilité spirituelle, vivant d’un reste d’impulsion épuisée, et étranger en quelque sorte à un monde si prodigieusement transformé. « Que voulez-vous, disait en souriant un prélat de notre, temps à quelqu’un qui lui proposait des mesures d’économie administrative et financière dictées par la plus simple science, que voulez-vous, tous vos économistes sont à l’index? »

Ce n’était pas seulement un pouvoir d’ancien régime; c’était un gouvernement réunissant tous ces abus d’origine, tous ces inconvéniens auxquels on a cherché mille remèdes qui ont fini par se résumer dans un seul mot : sécularisation. — « Est-ce la guerre à l’habit?» a dit quelquefois le cardinal Antonelli, quand on le pressait trop vivement et qu’on plaidait devant lui la cause laïque. Ce n’est point la guerre à l’habit, ce qui serait aussi puéril qu’odieux; la question n’est pas même dans la proportion des ecclésiastiques et des laïques appelés à conduire les affaires des États-Romains : elle est dans l’esprit qui règne et gouverne, dans cette confusion du spirituel et du temporel qui est devenue l’essence du gouvernement pontifical, et qui a été également désastreuse pour la religion et pour l’ordre civil. De là cette situation où les armes spirituelles deviennent des instrumens politiques et où les moyens administratifs à leur tour vont au secours de la puissance disciplinaire de l’église, où, pour être électeur municipal, il faut une attestation de bonne conduite religieuse, et où les devoirs de piété sont une affaire de police, — où l’infidélité d’un serviteur, en éveillant l’attention du saint-office, peut attirer un châtiment au maître pour quelque infraction aux lois du jeûne, et où il est arrivé qu’on allait faire quelques jours de pénitence dans un couvent pour l’émission d’une pensée douteuse sur un point d’histoire. Cette autorité pontificale, avec sa double nature, peut être livrée à de singulières luttes intérieures. Le prince peut être conduit à une pensée de réforme économique, mais il est arrêté au premier pas par une multitude de privilèges dont le pontife est le gardien, ou par cette tradition d’immobilité que le pape n’est pas libre de secouer. Ce n’est même, dit-on, que par une fiction subtile, par une sorte de transaction pé-