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bouche aujourd’hui close, elle aussi, le navrant récit des derniers momens de cet homme connu de tous comme un homme de bien, comme un homme religieux, et qui demandait avec angoisse le secours du prêtre. Je ne souhaite pas à M. l’évêque d’Orléans d’avoir jamais à contrister un mourant qui lui demanderait son secours, à le placer entre sa conscience et la forme impérieuse d’une rétractation qui jetterait le déshonneur sur sa vie publique, ou plutôt je sais ce qu’il ferait, et si Mgr Fransoni l’eût fait, il serait à Turin.

On raconte que le roi Victor-Emmanuel revenant de Paris, en 1856, s’arrêta en Savoie, et fut reçu par l’archevêque de Chambéry qui ne put s’abstenir de lui parler des affaires religieuses, et lui dit : « Votre majesté a vu en France le bel exemple de l’union intime des autorités et du clergé, et nous espérons qu’elle saura doter son royaume de ce grand bienfait en mettant un terme aux persécutions dont l’église est l’objet de la part du gouvernement. » M. L’archevêque de Chambéry ne peut qu’être satisfait aujourd’hui, puisqu’il est appelé à jouir de ces bienfaits dont il parlait. Quant au roi Victor-Emmanuel, il a fait en Piémont assurément beaucoup moins que ce qui existe en France, et de tous les princes qui peuvent se laisser aller à persécuter l’église, il est sans contredit le moins fait pour ce rôle. Ce n’est pas un persécuteur violent, ce roi qui, voyant un jour un de ses généraux partir pour la Crimée, en 1855, lui disait avec une bonne humeur mêlée de tristesse : « Vous êtes heureux, vous, général, vous allez combattre des soldats; moi je reste ici aux prises avec quelques moines. » Non, ce n’est pas un nuage d’impiété systématique et d’hostilité savamment calculée qui s’est interposé depuis dix ans entre le Piémont et le saint-siège. Ce qui est plus vrai, c’est que si le Piémont a manqué parfois à quelques procédés, la cour de Rome, à son tour, a ajourné, a élevé des difficultés de négociation; elle n’a pas cru assez à une transformation définitive, à la durée du régime constitutionnel à Turin ; elle avait de la peine à se résigner et a trop attendu un retour possible. Ce qui s’est élevé enfin entre le saint-siège et le Piémont, c’est le concordat autrichien, qui liait le souverain pontife relativement à l’Italie, et rendait désormais à peu près impossible toute transaction avec le gouvernement piémontais.

C’est ainsi que le saint-siège arrivait au moment de la guerre, surpris par les événemens dans des conditions trop visiblement compromises, placé aux yeux de l’Europe dans cette position diminuée que crée toujours une protection indéfinie, en mauvaise intelligence avec le Piémont et l’Italie. Le malheur de cette situation, c’est que la cour de Rome, au fond, ne pouvait qu’incliner de ses vœux vers l’Autriche, et si on le lui eût demandé, le pape, dans sa sincérité, n’eût pas craint peut-être d’avouer ce que bien d’autres autour de