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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/1011

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péril et à déplorer l’excès, — d’une part une centralisation absorbante, de l’autre l’émiettement des individus en poussière, — vouloir entraver ce moyen de combinaison, de rapprochement, d’association, que le progrès de la civilisation a mis si naturellement à notre portée dans la liberté des journaux, nous paraît un contre-sens incompréhensible. L’anomalie est encore plus extraordinaire, si l’on se place dans l’esprit de nos institutions, si l’on reconnaît et si l’on respecte le principe du suffrage universel. Quoi ! en masse nous sommes le peuple souverain, et pris individuellement ou par groupes homogènes, nous, fractions du souverain, nous n’avons pas le droit de nous éclairer à notre guise, de nous informer aux sources qui nous plairaient, d’échanger nos idées avec ceux qui pensent comme nous, de nous concerter par une voie qui ne fait courir aucun danger à l’ordre public ! Le journal qui nous conviendrait, qui nous serait nécessaire, demeurera un rêve, si un ministre ne lui donne pas la permission d’exister ! Ou il faut renoncer à toute logique, ou nous devons reconnaître que nous sommes des souverains dépourvus du principal attribut de la souveraineté. Privé de la liberté de la presse, le suffrage universel perd son organe essentiel. La liberté de la presse aura assurément d’éloquens avocats dans la discussion de l’adresse du corps législatif. L’argument de droit leur sera fourni par le principe du suffrage universel ; l’argument de fait leur sera donné par les refus qui ont récemment, accueilli plusieurs demandes d’autorisation adressées au ministre de l’intérieur. Un de ces solliciteurs malheureux, M. C ; -L. Chassin, vient de mettre le public dans la confidence de sa mésaventure. Il a donné là un bon exemple. Il est bon, dans une juste cause, d’enregistrer et de compter ses défaites, par chacun de ces revers est un pas accompli vers le triomphe final.

Nous avons parlé des deux questions intérieures que nous avons le plus à cœur : la liberté des élections et la liberté de la presse. Elles effacent toutes les autres, car la solution qu’elles recevront déterminera le caractère du rajeunissement donné aux institutions, actuelles par le décret du 24 novembre 1860. Nous espérons d’ailleurs que ce mouvement de progrès imprimé à la constitution, lors même qu’il serait moins rapide que nous ne le voudrions, hâtera le moment des solutions libérales. Le gouvernement, au surplus, a montré, par le rapport sur la situation de l’empire, et surtout par les documens diplomatiques qu’il a soumis aux chambres, qu’il veut donner aux débats de l’adresse une base sérieuse. Nous n’examinerons point ce vaste inventaire de la situation du pays, où chaque département ministériel a fourni son contingent. Les divers articles de ce long message à la façon américaine ne présentent point un égal intérêt. Parmi les chapitres qui concernent l’intérieur, l’exposé financier est celui auquel on s’attache de préférence. Les chambres ne sauraient faire un meilleur usage des loisirs que nous donne la paix générale, assurée au moins pour cette année, que de tirer notre situation financière au clair. Si l’on ne regarde qu’aux budgets