Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Colomb. Pourquoi ? Parce que vraisemblablement les Pinçon étaient des Normands, et que l’Espagne aima mieux reconnaître le droit d’un Génois sans consistance et sans patrie que celui des Français, de la grande nation rivale, des sujets de Louis XII et de François Ier, qui un jour auraient pu transférer ce droit à leurs maîtres. Un des Pinçon mourut de désespoir.

Au fait, qui avait levé le grand obstacle des répugnances religieuses, fait décider l’expédition avec tant d’éloquence, d’adressé et de persévérance ? Colomb, le seul Colomb. Il était le vrai créateur de l’entreprise, et il en fut aussi l’exécuteur très héroïque. Il mérite la gloire qu’il garde dans la postérité.

Je crois pourtant, comme M. Jules, de Blosseville (un noble cœur, bon juge des grandes choses), je crois qu’il n’y eut réellement de difficile en ces découvertes que le tour du mondes l’entreprise de Magellan et de son pilote, le Basque Sébastien del Cano. Le plus brillant, le plus facile, avait été la traversée de l’Atlantique sous le souffle des vents alizés, la rencontre de l’Amérique, dès longtemps découverte au nord. les Portugais firent une chose bien moins extraordinaire encore en mettant tout un siècle à découvrir la côte occidentale de l’Afrique. Nos Normands, en peu de temps, en avaient trouvé la moitié. Malgré ce qu’on a dit de l’école de Lisbonne et de la louable persévérance du prince Henri, qui la créa, le Vénitien Cadamosto témoigne dans sa relation du peu d’habileté des pilotes portugais. Dès qu’ils en eurent un vraiment hardi et de génie, Barthélémy Diaz, qui doubla le Cap, ils le remplacèrent par Gama, un grand seigneur de la maison du roi, homme de guerre surtout. Ils étaient plus préoccupés de conquêtes à faire et de trésors à prendre que de découvertes proprement dites. Gama fut admirable de courage, mais il ne fut que trop fidèle aux ordres qu’il avait de ne souffrir personne dans les mêmes mers. Un vaisseau de pèlerins de La Mecque, tout chargé de familles, qu’il égorgea sans pitié, exaspéra les haines, augmenta dans tout l’Orient l’horreur du nom chrétien, ferma de plus en plus l’Asie.

Est-il vrai que Magellan ait vu le Pacifique marqué d’avance sur un globe par l’Allemand Behaim ? Non ; ce globe qu’on a ne le montre pas. Aurait-il vu chez son maître, le roi de Portugal, une carte qui l’indiquait ? On l’a dit, non prouvé. Il est bien plus probable que les aventuriers qui déjà, depuis une vingtaine d’années, couraient le continent américain avaient vu, de leurs yeux vu le Pacifique. Ce bruit qui circulait s’accordait à merveille avec l’idée (que donnait le calcul) d’un tel contre-poids, nécessaire à l’hémisphère que nous habitons et à l’équilibre du globe.

Il n’y a pas de vie plus terrible que celle de Magellan : combats,