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sont, après l’accroissement de la pâture disponible, les espèces voraces sans profit à écarter du partage, ou même à condamner. Ce cadre comprend toute la botanique et toute la zoologie des eaux. En prenant pour point de départ les travaux des naturalistes qui ont décrit et classé les espèces, il s’agit aujourd’hui de pénétrer les aptitudes, les besoins, les instincts, les mœurs de chacune d’entre elles, et les recherches qui s’enfermaient jusqu’ici dans le cabinet ou le laboratoire du savant doivent se transporter au grand air, sur les fleuves, les lacs, les étangs. Le livre de la nature est ouvert devant les ignorans comme devant les doctes ; tout le monde peut y vérifier les faits anciennement connus, y faire des découvertes. Et quand la masse des observations recueillies sera suffisante, il se trouvera des esprits élevés qui, comprenant ce que les autres n’auront fait qu’entrevoir, dégageront la vérité de l’erreur, mettront au jour les liens inaperçus des phénomènes qui paraissaient isolés, établiront les rapports des effets avec les causes, et feront, en un mot, ressortir de ce qui n’est encore que confusion et obscurité un art sûr de lui-même, atteignant par des procédés infaillibles des résultats déterminés avec intelligence.


II. — POISSONS SEDENTAIRES. — POISSONS VOYAGEURS.

Les poissons se partagent en espèces sédentaires et en espèces voyageuses. Les premières s’attachent à un quartier d’un cours d’eau et ne s’en éloignent guère. Ainsi fait la truite des montagnes, qui remonte pour frayer aux sources des eaux vives et ne descend point dans les plaines où ces eaux perdent leur fraîcheur et leur limpidité. Le domaine de la carpe commence à peu près où finit celui de la truite. Les préférences du poisson pour tels ou tels lieux ne sont point l’effet du caprice : elles sont déterminées par les caractères physiologiques des espèces et par les réactions favorables ou nuisibles des milieux qui leur sont offerts. Certains poissons ne se plaisent que dans un lit rocailleux ; à d’autres il faut un fond de sable ou de vase. Les élémens constitutifs du terrain baigné, les sels dont il est imprégné, les plantes fluviatiles et les insectes qu’il nourrit, la température, exercent une influence encore incomplètement définie, mais considérable. S’il fallait ici des exemples, on pourrait citer la Moselle, qui, prenant naissance dans les granits des Vosges, passé ensuite sur les calcaires de la Lorraine, puis coulé jusqu’à son embouchure au travers des terrains de transition. La truite est seule en nombre dans la partie supérieure du cours ; elle est remplacée par des espèces moins délicates dans la traversée des calcaires jurassiques, et de Trêves au Rhin se retrouvent l’abondance et la variété admirables