Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et la charger de travaux pour l’exécution desquels il lui faudrait se transformer en corps d’ingénieurs constructeurs, c’est-à-dire cesser d’être administration forestière. Telle est pourtant l’extrémité à laquelle il en faudrait venir pour la mettre en état d’opérer la restauration de la pêche amoindrie.

Dire que le personnel forestier n’a d’organisation forte que dans les régions boisées, que son service le retient ordinairement dans les pays de montagnes, que les eaux vont grossissant à mesure qu’elles descendent de leurs sources et se rapprochent des bords de la mer, où les forêts sont clair-semées, qu’ainsi la puissance de ce personnel est pour le service de la pêche en raison inverse des besoins ; ajouter qu’au contraire le personnel des ponts et chaussées est réparti pour le service ordinaire sur toute la surface du territoire, et que sur tous les points où il y a des eaux à contenir, à discipliner, à aménager, il s’accroît de ce qu’on est convenu d’appeler le service extraordinaire, ce serait prouver que la pêche sera infiniment mieux surveillée et à beaucoup moins de frais par les ingénieurs des ponts et chaussées que par les officiers forestiers. Malheureusement, dans nos habitudes administratives, pour conclure à une réforme qui doit blesser des amours-propres, il faut de beaucoup plus fortes raisons.

La pêche en général, et la plus précieuse de toutes, celle des poissons voyageurs en particulier, a été principalement ruinée par les travaux hydrauliques établis en travers des cours d’eau navigables ou non. Les barrages de prise d’eau des moulins, des usines, des canaux de dérivation, sont absolument infranchissables pour beaucoup d’espèces de poissons, et le sont souvent pour la truite et le saumon, malgré les hauteurs auxquelles ils s’élancent. Les eaux s’épuisent alors en amont des obstacles, parce qu’elles ne sont plus ravitaillées, et en aval par suite de l’éloignement instinctif du poisson pour les parages, où il est privé de la faculté de circuler, mais surtout par l’extinction progressive du frai. À Dieu ne plaise que, pour assurer l’empoissonnement, les barrages soient abaissés, les forces motrices nécessaires à l’industrie réduites, les surfaces arrosées rétrécies, les canaux de navigation desséchés ! Ce serait sacrifier les grandes choses aux petites. Cependant, pour concilier ces intérêts opposés en apparence, il ne s’agit que d’adapter aux barrages, suivant leurs formes et leurs hauteurs, des couloirs ou des bassins gradués qui facilitent au poisson le passage entre deux plans de niveaux différens. Il a suffi d’un procédé si simple et si peu dispendieux pour remettre le saumon en possession des nombreux cours d’eau qu’il abandonnait dans la Grande-Bretagne. Il ne saurait en être de même chez nous, tant que cette disposition ne sera pas obligatoire dans les nouveaux règlemens de prise d’eau dont le conseil