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Mais où chercher cette espèce ? A-t-elle été domestiquée en entier, et ne peut-on nulle part en retrouver le type sauvage, comme le pensaient quelques-uns des naturalistes que je viens de citer, ou bien existe-t-elle encore à l’état de nature, et pouvons-nous la déterminer ? De ces deux opinions, la première ne peut guère être soutenue malgré l’autorité des hommes illustres qui l’ont professée. En effet, partout où les conditions générales s’y prêtent, nous voyons des chiens quitter l’homme et reprendre leur liberté ; les chiens redevenus sauvages pullulent en Amérique depuis la conquête, et on peut dire qu’ils ont ajouté un animal féroce de plus à ceux que produisait le nouveau continent. Comment croire, en présence de ce fait, que, l’espèce étant tout entière sauvage à un moment donné, l’homme serait parvenu à la confisquer absolument à son profit ? Évidemment il faut en venir à admettre que le chien primitif vit encore sous sa forme première. Il ne s’agit que de savoir le reconnaître. Quelques hommes d’un vrai mérite, adoptant une opinion fort ancienne, ont cru le trouver dans le loup ; mais cette manière de voir a été abandonnée par suite d’une étude plus sérieuse, et de plus en plus on se rallie à celle qu’a professée le premier Guldenstädt, qui, dès 1776, avait publié un mémoire approfondi sur cette question. Ce naturaliste voyageur avait vu de près en Asie les chiens et les chacals ; il avait été frappé de leurs ressemblances nombreuses, et il avait conclu à l’identité de l’espèce. Les observations de Pallas, d’Ehrenberg, d’Emprich, etc., ont toutes corroboré cette conclusion, que nous n’hésitons point à adopter. Pour motiver notre choix, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire textuellement le passage où M. Isidore Geoffroy a résumé les raisons qui militent en faveur de cette solution d’un problème qui a occupé presque tous les naturalistes. « Le chien a la même organisation anatomique que le chacal, sans qu’une seule différence constante puisse être aperçue. Il en reproduit parfois exactement les formes extérieures, le système de coloration et jusqu’aux teintes elles-mêmes. Sur plusieurs points de l’Asie, de l’Europe orientale et de l’Afrique, on trouve en même temps à l’état libre des chacals, et à l’état domestique des chiens qui leur sont très semblables, si semblables qu’on ne saurait méconnaître ici, disent les voyageurs, les ascendans et les descendans encore réunis dans les mêmes lieux, et pour ainsi dire les rejetons encore implantés dans la souche commune. »

On a fait à la doctrine de Guldenstädt diverses objections. M. Isidore Geoffroy a successivement réfuté la plupart d’entre elles, non par des raisonnemens, mais par des faits presque tous recueillis à la ménagerie du Muséum. Il a retrouvé chez les chiens nourris de viande l’odeur caractéristique des chacals ; il a montré que, contrairement à l’opinion reçue, le temps de la gestation chez le chacal