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LES
VOYAGEURS EN ORIENT

VI.
DE LA MORALITE DES FINANCES TURQUES.


I. Les Turcs et la Turquie contemporaine, par M. Nicolaïdy, 1859. — II. La Turquie contemporaine, par M. William Senior, 1860. — III. Documens et Correspondance d’Orient.




Je crois devoir prévenir loyalement les lecteurs de la Revue que l’étude qu’ils vont lire sur les finances turques n’est pas du tout une étude financière. Je n’ai pas la prétention d’être un financier ; mais en lisant quelques documens et quelques lettres d’Orient sur l’état des finances turques, je me suis bien vite aperçu qu’il y avait là une question de moralité plutôt qu’une question de comptabilité. Ce qui fait le mal incurable des finances turques, ce n’est pas le défaut de science administrative, c’est le défaut de bonne foi. Je suis persuadé que nos inspecteurs des finances, avec un peu de patience, finiraient par faire des Turcs des comptables habiles : la difficulté est presque toujours d’en faire d’honnêtes comptables, tant est invétérée et puissante dans ce pays l’habitude de la concussion. Ce n’est pas l’esprit qui résiste chez les Turcs, c’est le caractère, l’habitude, la nature : ils acceptent de grand cœur toutes les innovations que nous leur proposons, de même qu’un malade prend volontiers tous les remèdes qu’on lui offre ; mais il est une innovation qu’ils repoussent obstinément : c’est l’intégrité administrative, la fidélité du comptable, l’incorruptibilité du fonctionnaire. De là la désespérante inutilité de tous les efforts que font les ambassadeurs de l’Europe