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d’un grand nombre de mesures, à aucun contrôle supérieur, il semblera que Paris est placé sous un régime de décentralisation plus réelle et plus complète qu’aucune autre commune de France ; mais, si l’on prend garde que Paris n’élit pas son conseil municipal, on sera moins frappé de ce privilège de décentralisation qui lui est accordé, et alors on sera tenté de considérer le préfet de la Seine non plus comme le maire de la capitale, mais comme un ministre. Cette conclusion a peut-être en sa faveur le mérite spécial du préfet actuel ; mais si on l’accepte, pourquoi ne va-t-on pas jusqu’au bout, et pourquoi le préfet de la Seine n’a-t-il pas sa place au conseil des ministres ?

Mais c’est surtout pour les questions étrangères que l’on attend des lumières des prochaines discussions du corps législatif. L’intérêt qu’inspirent les questions étrangères est de deux natures. En présence des questions engagées en Europe, la France garde d’un côté, dans une certaine mesure, sa liberté diction et l’indépendance de son initiative ; de l’autre, elle peut être affectée diversement par des accidens extérieurs naissant de la situation des autres états, accidens qui échappent à sa volonté et à son influence. C’est parce que les accidens de cette sorte sont plus à redouter que jamais qu’il importe plus que jamais aussi à la France d’avoir un système net de politique étrangère et de le faire connaître. Ne se sentirait-on pas plus rassuré si l’on savait d’avance, en présence des événemens qui peuvent éclater en Europe, à quels principes, à quels intérêts, à quels engagemens notre politique est liée, — si l’on faisait disparaître enfin ces obscurités qui ont donné des apparences contradictoires aux actes récens de notre politique, et qui l’ont rendue parfois incompréhensible ?

Parmi ces actes récens, un de ceux qui étaient restés le plus obscurs était assurément la présence de notre flotte à Gaëte. Protégions-nous, défendions-nous le roi de Naples ? Défendre le roi de Naples, c’était sans doute une politique ; mais elle était bien tardive et bien inconséquente. Nous encourions le même blâme qu’adressent au roi de Naples ceux qui lui reprochent de n’avoir pas opposé à l’invasion garibaldienne cette résistance qu’il n’a entreprise et soutenue qu’après avoir perdu son royaume. On pouvait nous dire : Si vous vouliez arrêter les Piémontais, c’était avant l’invasion des États-Romains qu’il fallait agir, et non lorsqu’il ne restait plus à François II qu’une seule place forte. Si nous ne défendions pas le roi de Naples, si nous demeurions fidèles au principe de non-intervention, si nous pensions qu’il faut laisser l’Italie aux Italiens, notre conduite était plus inexplicable encore. Notre présence à Gaëte ne prolongeait pas seulement la résistance du roi ; elle lui donnait un prestige, elle était un encouragement indirect aux soulèvemens, aux désordres intérieurs qui perpétuent l’anarchie dans les Deux-Siciles, elle augmentait les embarras du Piémont, et affaiblissait, au profit des passions et des partis les plus dangereux, le seul cadre de gouvernement régulier, le seul élément d’ordre quelconque qui survive dans la péninsule. On n’a donné à ces contradictions et à ces