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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/532

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remplacement d’un fonctionnaire. Bientôt après, le général Filangieri, ayant à entretenir les illusions de la diplomatie, imaginait mieux encore : il préparait un projet de constitution qu’il communiquait au ministre de France. Le projet fut fort encouragé, comme on pense. Malheureusement quelques jours plus tard, lorsqu’on demandait au premier ministre napolitain des nouvelles de son œuvre, tout était changé, le général Filangieri avait réfléchi, il ne voulait pas aller au-devant d’une disgrâce. Quel était donc le secret de ces tergiversations et de ces mobilités ? Pendant ce temps, un aide de camp de l’empereur des Français, le général Roguet, était arrivé à Naples, et, saisissant cette occasion, Filangieri eût voulu que le projet de constitution lui fût remis par le ministre de France et par le général Roguet comme venant de l’empereur, de telle sorte qu’il pût se couvrir de cette autorité devant le roi. On ne tomba pas dans le piège, et la constitution alla rejoindre le programme de gouvernement du mois de juillet.

Au fond, cette politique était une ruse perpétuelle. Le prince de Satriano jouait un double jeu aussi périlleux pour lui-même que pour son pays et pour son souverain, cherchant à se soutenir à la cour par l’influence de la diplomatie européenne et opposant à la diplomatie les résistances du roi. Il amusait tout le monde, et il finissait par ne plus tromper personne, arrivant au bout de cette comédie avec une ambition déjouée et un crédit perdu. Il avait éclairé la diplomatie sur sa valeur réelle, sur sa consistance politique, et la cour, de son côté, ne lui pardonnait pas les plus timides velléités libérales, les plus insignifiantes tentatives de réforme, même accompagnées de la plus souple obéissance. La reine-mère surtout n’avait que de l’antipathie pour lui. Le général Filangieri, avec plus d’autorité morale et plus de vigueur de conseil, aurait pu, sans nul doute, conduire victorieusement son pays dans cette crise redoutable, et peut-être sauver la couronne de François II : il n’avait été qu’une décoration dont on couvrait le commencement du règne, et lorsqu’il n’avait plus qu’à tomber du pouvoir, où il était remplacé par le prince Cassaro, la situation du royaume de Naples était la même.

Cette situation, c’était en réalité ce qui existait sous Ferdinand II avec la tenace énergie et l’expérience du dernier roi de moins, avec les excitations causées par les mouvemens de l’Italie de plus, avec ce trouble profond né d’une déception croissante de l’opinion. Quelques mois à peine s’étaient écoulés en effet : où en était le gouvernement napolitain ? Il se trouvait réduit plus que jamais à multiplier les mesures les plus rigoureuses, à épuiser tous les moyens d’une répression arbitraire. Un simple soupçon suffisait pour attirer