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motifs de répéter ce que disait M. Casimir Perier et de faire ce qu’il conseillait ?

Jusqu’ici je n’ai point parlé du sénat. Placé dans une sphère étrangère à la discussion des lois, le sénat n’avait à prononcer à huis clos que sur la constitutionnalité des mesures soumises à son contrôle. Examiner si des circonstances se sont présentées où ce contrôle aurait pu s’exercer serait ici tout à fait hors de propos. Ce n’est que récemment et par exception qu’une publicité partielle avait été donnée à quelques-uns des travaux du sénat ; la France ignorait donc comment il comprenait ses droits et ses devoirs, comment il s’efforçait de faire valoir les uns et de remplir les autres. Désormais la publicité lui est acquise, et par cela seul il reprend dans le gouvernement du pays un rôle dont le silence qui l’environnait pouvait parfois laisser contester l’importance. Deux de ses prérogatives surtout recevront de cette situation nouvelle autant d’utilité que d’éclat : le droit de statuer sur les pétitions des citoyens et celui de signaler au chef de l’état les améliorations à introduire dans la constitution, dans les lois et dans l’administration. Si la publicité avait été accordée plus tôt au sénat, on aurait probablement appris, ce qu’on ne pouvait que soupçonner, qu’il renferme dans son sein des hommes toujours prêts à se faire les défenseurs de justes griefs portés à ce tribunal suprême, des hommes décidés, même au risque de déplaire, à offrir au pouvoir le concours de leurs lumières et à prendre l’initiative des sages conseils. Chacun de ses membres aurait ainsi trouvé la justice à laquelle il pouvait prétendre, et les reproches qui naguère leur ont été collectivement adressés[1] n’auraient atteint que ceux qui les méritaient.

Je sais qu’en envisageant les choses du point de vue auquel je me suis placé dans cet écrit, je diffère de ceux qui s’en prennent plus aux hommes qu’aux institutions. Je m’en prends plus aux institutions qu’aux hommes ; c’est ma conviction sincère, et je m’en applaudis, car la conviction contraire forcerait presque ma raison à ne voir que des illusions dans un avenir où il ne lui est pas encore interdit de chercher des espérances.


CASIMIR PERIER.

  1. Moniteur du 11 janvier 1856.