de prise de possession du pouvoir administratif en Turquie. « Le gouvernement turc, disait-il dans cette circulaire aux consuls anglais, vient de rendre une ordonnance contre les désordres et les actes de violence trop souvent commis par des fonctionnaires habitués au vol et au meurtre. Dans l’exécution de ce décret, les autorités musulmanes auront à vaincre les préjugés traditionnels de leur race et beaucoup d’intérêts opposés à l’accomplissement de leurs devoirs. <vus les aiderez de toute votre influence et de vos conseils… »
Il est curieux de noter dans le voyage de M. Senior les signes caractéristiques de ce pouvoir des consuls anglais en Orient. C’est là en même temps ce qui donne à l’enquête faite par sir Henri Bulwer une grande importance. Les témoins que nous entendons sont gens qui, d’un côté, ne veulent pas tromper, et que, d’un autre côté, on ne peut pas tromper, puisqu’ils ont pris part, au moins par leur surveillance, à l’administration des provinces turques.
« Lorsqu’un consul anglais, dit M. Senior, est un homme de talent et d’énergie, lorsqu’il sait, gouverner les masses et qu’il peut parler la langue du pays, les occasions de faire le bien, ou plutôt d’empêcher le mal, se présentent pour lui à tout instant. M. Wood, frère de notre docteur Wood, avait à Damas autant d’influence que le pacha. M. Calvert, aux Dardanelles, est un personnage plus important que le pacha ; toute la province a l’œil sur lui ; tous les mérités du pacha sont attribués, et très justement, à l’heureuse influence qu’il exerce[1]. » Ailleurs M. Senior cause avec M. Calvert lui-même, qui raconte quelques traits de la vieille rapacité turque. « De tels brigandages, dit M. Calvert, sont impossibles maintenant, au moins dans la juridiction d’un consul. — Mais comment, dit M. Senior, votre juridiction vous met-elle à même d’intervenir entre les Turcs et les rayas ? — En fait, je ne puis intervenir directement, répondit-il, mais je fais un rapport sur les énormités de cette espèce à lord Stratford. Il raconte l’histoire à la Porte, montre probablement ma dépêche, et la Porte, qui n’est jamais fâchée d’avoir une place à donner, envoie une destitution au fonctionnaire insolent[2] ».
On voit que ce qui faisait le pouvoir des consuls anglais contre les pachas, c’était l’ascendant de lord Stratford à Constantinople, et l’ascendant de lord Stratford à Constantinople tenait à la surveillance perpétuelle des consuls anglais sur les pachas. C’est de cette manière qu’il était devenu, non plus un simple ambassadeur d’Angleterre, mais une sorte de vice-roi ou de gouverneur-général en Turquie. « Lord Stratford, dit quelque part M. Senior, est une exception à toutes les règles. » Cela est vrai : jamais ambassadeur n’a ainsi gouverné le pays dans lequel il était accrédité, et son pouvoir