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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 31.djvu/94

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inoffensives pour les branches d’industrie qui se croyaient frappées, le travail national ayant au contraire doublé ses forces et augmenté sa production. Enfin, si on la consulte sur les relations de la France avec l’Angleterre, elle révèle un développement vraiment extraordinaire de nos envois d’articles manufacturés à destination de ce pays même, qui, au dire des alarmistes, doit nous battre infailliblement sur notre propre marché. Certes, s’il y a ici quelque coupable, c’est la statistique, très claire et très concluante, qu’a publiée la douane, et dans laquelle les négociateurs du traité, comme les rédacteurs du nouveau tarif, n’ont pas manqué de puiser leurs meilleurs argumens. Il était notoire pour tout le monde que l’industrie française, si brillante et si fière d’elle-même aux expositions de Londres et de Paris, avait fait de grands progrès : on était las et humilié de cette législation douanière, bardée de prohibitions et de taxes excessives, empreinte encore d’idées de guerre ou de préjugés de caste : par instinct, par conviction, par respect pour de grands principes trop longtemps sacrifiés à de vaines frayeurs, par respect pour le principe même de la protection commerciale, qui veut être appliqué avec discernement et mesure, ou désirait modifier enfin ce vieux régime, apporter quelques tempéramens à l’inutile rigueur du tarif et introduire en quelque sorte dans l’atmosphère alourdie quelques courans d’air libre. Pourtant la réforme eût sans doute été moins profonde et l’on eût marché d’un pas moins rapide vers la liberté des échanges, qui est le but même et la récompense de la protection, si la statistique douanière n’avait pas été là, avec ses chiffres impartiaux et impassibles, avec ses irréfutables démonstrations : c’est elle qui a dénoncé l’abus et fait la lumière, c’est elle encore qui, traduisant dans son bref langage les destinées de notre commerce, justifiera bientôt le nouveau tarif.

Tels sont les services que peut et doit rendre la statistique quand elle est bien faite : elle éclaire les questions, elle prépare et motive les plus graves mesures, elle vient en aide aux principes faussés ou méconnus, et, sous la forme de chiffres, elle fournit aux hommes d’état de vigoureuses armes. Il ne faut donc point la traiter avec dédain, et si trop souvent elle est le point de mire de la critique, c’est qu’elle ne nous sert qu’à la condition d’être toujours exacte, consciencieuse, méthodique, car ses erreurs seraient aussi fatales que ses vérités sont salutaires. La statistique se mêle à tout, elle touche à tout ; il n’est point, dans la vie sociale ou individuelle, un seul fait, un seul incident qu’elle ne prétende enregistrer dans ses archives. Nous sommes donc très intéressés à ce qu’elle corrige ses défauts et comble ses lacunes. Il importe que ce budget des choses soit avant tout une vérité.


C. LAVOLLEE.