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de guerre qui pèse encore sur la plupart des perceptions devrait probablement passer le premier, et on pourrait citer bien d’autres exemples.

Les exemptions édictées par le projet de loi ne s’appliquent qu’aux céréales importées par navires français ou par terre. Le projet conserve des droits différentiels sur les importations par navires étrangers. Quelques personnes ont blâmé cette disposition, comme contraire à l’intention générale de la loi. Nous croyons, nous aussi, que la prétendue protection dont jouit notre navigation est une chimère, et que si jamais la question s’examine de près, cette dernière illusion s’évanouira comme tant d’autres ; mais il semble impossible de soulever incidemment une question si grave, qui intéresse ou paraît intéresser toutes la population maritime. C’est bien assez pour une fois de régler la question des céréales sans la compliquer de difficultés étrangères. Le régime de notre navigation sera certainement examiné quelque jour, avec le temps et l’attention qu’il mérite, et on verra alors s’il convient ou non de maintenir les surtaxes de pavillon ; pour le moment, il paraît sage de réserver la question. Les grains, comme les vins, forment une partie importante du fret de nos navires ; avant de rien faire qui semble les en priver, il faut y regarder à deux fois.

Il n’en est pas tout à fait de même de la distinction du projet de loi entre les provenances des pays d’Europe et des pays hors d’Europe. Ici le pavillon national n’est pas en jeu, et on peut apprécier en elles-mêmes ces vieilles divisions et subdivisions qui encombrent inutilement les tarifs de douanes. Qu’importe que les denrées alimentaires viennent d’Europe ou d’ailleurs, dès l’instant que nous en avons besoin ? Qu’importe qu’elles soient ou non du cru du pays d’où nous les tirons ? Les blés d’Égypte et d’Amérique peuvent avoir leur utilité dans un moment donné pour combler un déficit, et en temps ordinaire nos producteurs sont suffisamment défendus par la mauvaise qualité des uns et le prix élevé des autres. Il résulte des documens annexés à l’exposé des motifs que le blé est aussi cher ou même plus cher à New-York qu’en France ; en 1858, 1859 et 1860, quand les prix étaient chez nous de 16 fr. 75, 16 fr. 74 et 20 fr. 41, ils montaient à New-York à 17 fr. 06, 21 fr. 98 et 21 fr. 10. En Amérique pas plus qu’en Russie, le blé ne pousse tout seul et ne se transporte sans frais.

Telles sont les quelques réserves que nous inspire le projet de loi. Nous ne les avons présentées que par acquit de conscience, car les considérations secondaires disparaissent devant le grand fait qui domine tout, la proclamation de l’entière liberté du commerce en fait de denrées alimentaires, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, tant