gravité des problèmes dont la solution parait être échue à notre génération.
Elle est ailleurs ; elle est, ayons la franchise de le dire, dans le singulier état de choses qui paralyse en France la formation, l’élaboration et l’expression de la pensée publique. Nous autres Français, nous sentons en ce moment que deux choses nous font défaut. Ces deux choses qui nous manquent sont d’une part un système conçu, défini, manifesté devant l’opinion, avec lequel nous puissions entreprendre la tache que la situation de l’Europe peut nous imposer, et d’autre part le sentiment que l’opinion ait le pouvoir de ne pas se laisser surprendre par les accidens et d’intervenir à temps dans les résolutions qui devront être prises en vue des événemens. Nous sommes Inquiets, parce que nous ne savons pas bien ce qu’il faut faire, parce que nous ne nous sommes point mis en mesure de l’apprendre par la discussion, parce que nous ignorons ce qui se fera, parce que nous sentons que nous pouvons n’être point consultés à temps sur ce qui devra se faire. Notre génie national a eu chez nous bien des détracteurs ; parmi ces détracteurs de l’esprit de la France, les plus sévères, et à notre sens les plus injustes, sont ceux qui nous refusent l’aptitude à la liberté, ceux qui prétendent que nous ne sommes point en état de nous gouverner nous-mêmes, ceux qui nous traitent comme un peuple mineur à qui, lorsqu’on veut bien lui rendre le service de le gouverner, on n’aurait à demander que des blancs-seings. Eh bien ! nous ne craignons point de nous adresser à ceux mêmes qui jugent la France d’une façon si méprisante. Ils ne nous démentiront pas lorsque nous dirons que, malgré tous les défauts qu’on nous impute, nous sommes un peuple amoureux de la netteté de la pensée, de la clarté des idées, de la logique des conceptions. Nous portons dans la politique ce besoin de l’intelligence française. Si, comme l’Égypte biblique, nous eussions été condamnés aux sept plaies, la plus douloureuse pour nous eût été celle des ténèbres. Que ce besoin de clarté soit satisfait, le repos est rendu à nos consciences, la sécurité à nos intérêts, car ayons au moins l’orgueil de nos mérites, puisqu’on nous reproche et qu’on nous fait expier si durement nos défauts. Nous avons les qualités morales qui correspondent à l’appétit de lumière qui est propre à notre intelligence ; nous avons la passion de la franchise et la consciencieuse intrépidité de la logique. Allons plus loin, donnons encore une satisfaction à notre amour-propre : quand la France a un système politique nettement tracé, ne semble-t-il pas qu’elle fasse aussitôt la lumière au sein de l’Europe et au profit des autres peuples ? Les incertitudes, les agitations qui travaillent les nations du continent n’accusent-elles pas autant que nos propres inquiétudes le mal de l’obscurcissement de la pensée française ? Un système, un système nettement conçu, franchement avoué, voilà le cri que de toutes parts on adresse à la politique française.
Mais en présence des premiers tâtonnemens de cette révolution européenne, qui, livrée au hasard des accidens, privée de la lumière et du contrôle