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espèces domestiques, il en est parfois autrement, surtout chez les oiseaux. Toutefois nous retrouvons ici tout ce que nous avons rencontré déjà dans les plantes. Chez ces hybrides, la fécondité est considérablement diminuée et s’arrête souvent de bonne heure ; la ponte est plus rare chez les femelles, et les œufs sont très souvent clairs, c’est-à-dire incapables d’être fécondés ; le mâle présente des faits analogues. Enfin au-dessus de tous les faits particuliers s’élève le fait général que nous signalions tout à l’heure. Malgré des tentatives incessantes, les amateurs d’oiseaux, si nombreux aujourd’hui, n’ont pu encore former une seule race hybride, tandis qu’ils obtiennent des races métisses aussi souvent et aussi aisément qu’ils le veulent[1]. Voilà ce que proclame l’expérience et ce que la science explique. Rodolphe Wagner, faisant sur ces hybrides d’oiseaux des recherches analogues à celles que Kœlreuter avait faites sur les plantes, a constaté des faits identiques. Ici encore l’élément paternel est souvent entièrement vicié, toujours plus ou moins altéré, et les organes eux-mêmes, par leur peu de développement, accusent le défaut d’équilibre qui existe dans cet organisme d’origine mixte.

L’histoire des mammifères présente des faits un peu plus complexes. Remarquons d’abord que les deux seules espèces dont l’hybridation se soit montrée régulièrement féconde n’engendrent qu’un hybride à fécondité à bien peu près absolument nulle. Ici l’expérience remonte haut. Il y a plus de deux mille ans qu’Hérodote considérait comme un prodige la fécondité du mulet et près de dix-huit cents ans que Pline a reproduit cette opinion. Cependant on lit dans quelques ouvrages modernes que la fécondité des mulets est aujourd’hui démontrée, et qu’elle est assez fréquente dans les pays-chauds, en Afrique en particulier. Le lecteur pourra juger par le fait suivant de la valeur de ces assertions. En 1858, une mule conçut près de Biskra en Algérie. Un pareil fait ne pouvait passer inaperçue au milieu de populations qui accordent une si grande importance, à tout, ce qui se rattache au cheval. Voici comment des témoins oculaires racontent l’impression produite par cet événement : « Le phénomène de la conception chez les mules est extrêmement rare en Europe et ne l’est pas moins en Afrique, si l’on en juge par l’épouvante où le fait dont nous parlons jeta les Arabes. Ils crurent à la fin du monde, et pour conjurer la colère céleste, se

  1. En présence des assertions qui se sont produites dans quelques ouvrages relativement à l’existence de races d’oiseaux hybrides, j’ai dû en appeler à l’expérience et au savoir de M. Isidore Geoffroy. Sa réponse a été aussi nette que possible, et il m’a déclaré que, malgré tout ce qui avait été dit à ce sujet, il n’en connaissait pas un seul exemple qui pût être regardé comme positif.