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moins sous le climat de Paris[1]. — Mais, dira-t-on encore, la fécondité de ces unions est tellement assurée au Chili et au Pérou qu’elle sert de base à une industrie vulgaire et prospère. Cela est vrai, et ici se montre l’influence de ces actions de milieu que l’on retrouve à chaque instant dans l’histoire des êtres organisés et vivans. Voyons donc ce que sont les chabins dans ces contrées où ils se produisent si aisément.

Au Chili[2], au Pérou[3], ces hybrides ont une véritable importance commerciale. La toison qui les couvre, modifiée par le croisement, présente un poil à la fois long et souple qui rend les peaux préparées propres à une foule d’usages. Ces pellones servent de descente de lit, de manteau, de matelas, de couverture aux selles de bois, etc. ; mais pour obtenir un pellon présentant les qualités requises, un premier croisement du bouc avec la brebis ne suffit pas. Ces hybrides de première génération ont la forme de la mère et le pelage du père. On manque de détails sur la manière dont se comportent, au point de vue qui nous intéresse, ces hybrides demi-sang. On assure qu’ils sont féconds entre eux ; mais rien ne nous dit si cette fécondité est indéfinie, ni quels changemens ils pourraient présenter au bout de quelques générations. Quoi qu’il en soit, on les croise avec la brebis. Cette seconde génération possède donc trois quarts de sang de mouton et un quart de sang de chèvre. Ces hybrides sont féconds, leur toison est belle d’abord ; mais si on les allie entre eux trois ou quatre fois de suite, cette toison reprend les caractères du poil de bouc. Nous constatons donc ici cette même tendance au retour vers les espèces primitives que nous avaient montrée les hybrides végétaux. Pour fixer davantage les caractères mixtes, on croise une femelle de cette seconde génération avec un mâle de la première. On a ainsi des animaux ayant trois huitièmes de sang de chèvre et cinq huitièmes de sang de mouton. Ce sont eux qui fournissent les pellones du commerce. Toutefois, malgré leur fécondité, on ne peut les propager indéfiniment. Au bout d’un nombre indéterminé de générations, quelques précautions que l’on prenne, il faut recommencer toute la série des croisemens, parce que la toison s’altère encore, « parce que, nous disait M. Gay, il se manifeste un retour vers les deux espèces primitives, exactement comme on l’observe

  1. Les unions entre le bouc et la brebis, tentées à plusieurs reprises par M. Isidore Geoffroy, ont toujours été très faciles, mais se sont constamment montrées infécondes.
  2. Tout ce qu’on sait de positif sur les chabins, appelés au Chili carneros linudos, est dû à M. Claude Gay, membre de l’Institut, qui à bien voulu compléter par des renseignemens oraux ceux qu’il avait déjà publiés dans son Historia de Chile.
  3. Au Chili, on croise le bouc avec la brebis. D’après une note manuscrite de M. de Castelnau, citée par M. Isidore Geoffroy, le croisement se fait le plus souvent en sens contraire au Pérou, c’est-à-dire qu’on allie le bélier avec la chèvre.