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PHIDIAS.

Souffre, Périclès, que je compare à de grandes choses de plus petites, et tu cesseras de me blâmer. Les finances, n’est-il pas vrai ? sont pour un homme public l’occasion de calomnies redoutables. Nous sommes prompts à soupçonner ceux qui peuvent puiser dans le trésor.

PÉRICLÈS.

Avec raison, Phidias, s’ils n’ont pas pour égide des mœurs simples.

PHIDIAS.

D’un autre côté, le peuple désigne chaque année des magistrats pour veiller à l’emploi de ses richesses et te surveiller toi-même.

PÉRICLÈS.

Aucune loi n’est plus sage.

PHIDIAS.

N’exerces-tu pas de l’influence sur les élections de ce genre ?

PÉRICLÈS.

J’en conviens.

PHIDIAS.

Ceux que tu t’efforces de faire nommer sont-ils parmi tes partisans ou parmi tes adversaires ?

PÉRICLÈS.

Parmi mes adversaires, et je choisis les plus déclarés.

PHIDIAS.

Pourquoi ?

PÉRICLÈS.

Parce qu’ils me protègent non-seulement contre les soupçons, mais contre moi-même ; ils sont les garans de mon intégrité.

PHIDIAS.

Eh bien ! c’est pour le même motif que je garde Ménon : il est mon garant. Que m’importe qu’il m’épie, si ma vie est pure et remplie par le travail ? Son témoignage ne réjouira jamais ceux qui me haïssent.

PÉRICLÈS.

Hélas ! tu connais peu la perversité des hommes.

PHIDIAS.

Que veux-tu ? Mon art m’apprend à les voir toujours plus beaux qu’ils ne sont.

SCÈNE IV.
LES MÊMES, ASPASIE, avec deux esclaves, dont l’une porte un parasol, l’autre un pliant.
PÉRICLÈS.

Vois, Phidias, qu’elle est belle ! quelle grâce, semblable au sourire d’une immortelle, brille sur son visage ! Ta maison semble en être éclairée, comme un verger après la pluie, quand toutes les fleurs s’ouvrent à la fois.

ASPASIE.

Vois, Phidias, combien les orateurs sont fertiles en ruses. Mon voisin le boulanger ne revient jamais du Pnyx sans les comparer à de la fine fleur de farine. Ce Périclès à la langue dorée sait quel motif m’amène, et il veut m’engager par ses éloges à le louer à mon tour. Il espère que je ne pourrai