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des mélanges incessans s’opèrent sans cesse entre ces métis et les trois races mères. Comment pourrait s’être établie cette uniformité qu’on semble demander, et qui n’existe chez nos animaux domestiques que dans les troupeaux rigoureusement surveillés et soumis à une sélection sévère ?

Toutefois ce qui n’a pu s’accomplir encore sur un vaste continent entre des millions d’hommes s’est opéré pour des communautés restreintes. Il existe des races mixtes parfaitement assises et répandues sur un espace plus ou moins étendu, qui résultent du croisement de deux races regardées par la plupart des polygénistes comme des espèces parfaitement distinctes et parfois le plus opposées. C’est un fait qu’affirment, en dehors de toute controverse, des voyageurs qui racontent simplement ce qu’ils ont vu : MM. Quoy, Gaymard, Lesson pour les Papouas à tête de vaudrouille, décrits pour la première fois par Dampier, et qu’on trouve à la côte nord de la Nouvelle-Guinée ainsi que dans un certain nombre de petites îles voisines ; MM. Spix et de Martius[1] pour les Cafusos des forêts de Tarama au Brésil ; une foule de voyageurs laïques ou missionnaires pour les Griquas du Cap. Prichard et la plupart des monogénistes avec lui ont cité ces exemples. Les polygénistes les ont naturellement combattus, et, comme d’ordinaire, ont mêlé à leurs argumens des plaisanteries souvent hasardées. À la rigueur, on comprend cette négation quand il s’agit des Papouas de Dampier. À en juger par les descriptions qu’on en a faites, ils présentent, il est vrai, tous les caractères d’une race tenant à la fois du nègre océanien et du Malais ; ils reflètent même par les différences de taille, de force, de vigueur qu’on observe chez eux, les caractères des deux principales races existant dans les populations noires de l’Orient[2]. Néanmoins, historiquement parlant, on manque de données sur leurs commencemens, et dès lors on peut logiquement agir pour eux comme pour toutes les autres races dont l’origine se perd dans la nuit des temps ; mais il n’en est plus de même quand il s’agit des Cafusos et des Griquas. On sait d’où sortent ces deux populations, qui se sont formées de nos jours. Les premiers ne sont autre chose que des métis d’Indiens et de nègres, qui ont fui les établissemens européens et sont allés chercher la liberté dans les plaines de la forêt de Tarama, dont ils ont peuplé les solitudes. À en juger par les descriptions et les dessins que nous en possédons, le typé de ces

  1. M. de Martius, correspondant de l’Institut, est un des botanistes les plus éminens de l’Allemagne. Il est d’ailleurs polygéniste, et cette circonstance donne une double valeur à son témoignage.
  2. Ces différences, qui confirment si bien l’opinion des voyageurs français, ont été signalées à titre d’objections.