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par lesquels le présent état de choses a été produit, nous qui ne nous sommes point abstenus à l’occasion de blâmer quelques-uns de ces procédés, nous qui par conséquent sommes disposés à faire aux adversaires de l’Italie toutes les concessions qu’ils voudront sur les fautes commises et les torts encourus dans le passé, nous leur demandons : Que faut-il faire dans le présent et pour l’avenir ? La papauté temporelle ne pourrait être rétablie que par les armes de l’Autriche, après que les forces de la nouvelle Italie auraient été écrasées. La victoire hypothétique de l’Autriche sur l’Italie, la péninsule encore une fois envahie et partagée par l’étranger, serait-ce une fin ? Qui en France serait d’humeur à tolérer un tel spectacle ? qui voudrait confier à l’Autriche une telle mission ? qui surtout verrait dans cette nouvelle catastrophe la paix future de l’Italie et la paix présente de l’Europe ? Il faut donc bien reconnaître une certaine puissance dans le fait accompli ; il faut bien s’avouer à soi-même qu’il y a des choses bien mortes ; il faut admettre qu’en politique le mort saisit le vif. Au lieu de s’épuiser au radotage des récriminations, il vaut donc mieux prendre en considération ce qui est virant et chercher le parti qu’on en peut tirer.

Cependant, bien que les conditions nécessaires du pouvoir temporel du pape soient détruites, nous sommes encore à Rome. Avec nos vingt mille hommes, qu’y faisons-nous, sinon prolonger sans profit et sans honneur ni pour le pape ni pour nous l’agonie du pouvoir temporel ? Certes nous comprenons l’embarras qu’éprouvent les ministres sans portefeuille, lorsqu’on les presse de questions à ce sujet, lorsqu’on leur demande quand et comment cela finira. Nous gagerions qu’ils n’en savent guère plus que nous sur ce point. Cependant les difficultés morales que nous rencontrons à Rome vont infailliblement s’accroître chaque jour. Il est probable que les démonstrations passives dans le genre de celles qui viennent d’avoir lieu à Varsovie vont s’organiser et se répéter à Rome. Le pape, nos troupes, seront enveloppés, offusqués d’illuminations, de drapeaux, de devises hostiles au gouvernement romain, amicales pour la France, exprimant le vœu de l’annexion au royaume italien. Ne serons-nous pas plus blessés dans notre dignité et plus embarrassés par cette résistance paisible et muette que ne sauraient l’être à Varsovie le prince Gortchakof, ses officiers et ses soldats ? Le parti à prendre, ce serait celui qui aurait dû être adopté depuis longtemps, le parti de la retraite. Nous avons toujours pensé, quant à nous, que le pape et le sacré collège feraient mieux leurs affaires avec les Italiens, si nous autres étrangers nous abandonnions notre office ingrat d’intermédiaires. Le gouvernement français a laissé démembrer le pouvoir temporel : ce n’est donc qu’à la protection personnelle du saint-père qu’il veille ; mais, — on l’a dit ironiquement, et nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait le répéter sérieusement, — la personne du saint-père ne serait pas moins bien protégée par des troupes italiennes que par des soldats-français. Notre retraite est, nous l’avouons, une extrémité pénible pour notre gouvernement après les espérances si différentes qu’il avait données au parti catholique au