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peut dire que tous les pavillons du monde y apparaissent tour à tour. Les baleiniers du Pacifique et de la mer d’Okhotsk s’y montrent aussi par momens, et commencent à ne plus redouter aujourd’hui l’abord, autrefois si chanceux, des rives de l’Eldorado, qui faisaient tourner la tête à leurs matelots déserteurs. Puis viennent les steamers qui font le service des différens ports de la baie ou des fleuves et rivières de l’intérieur, ensuite de petits navires à voiles qui exécutent le même trajet, les voyages de la côte mexicaine et ceux de Taïti ou des Sandwich. Ici se montrent de nouveaux steamers qui naviguent vers les différens ports du nord de la Californie, de l’Oregon, et vont jusqu’à Vancouver ; à côté, d’autres vapeurs desservant la côte californienne dans le sud, d’escale en escale, jusqu’au port-limite de San-Diego. Au milieu de la baie sont parfois ancrés des navires de guerre. À l’horizon, une ligne peu élevée de montagnes verdoyantes ferme la perspective. Les blanches maisons d’Oakland apparaissent au pied de ces collines, baignées dans un voile transparent de vapeurs, qui s’élèvent du sein des eaux.

Sur les quais règnent la vie et le mouvement : ici les docks, qui reçoivent dans leurs vastes salles des marchandises venues de tous les coins du monde ; là des bazars en plein air où le marin fait ses provisions, ou bien les grog-shops où il vient s’abreuver d’eau-de-vie, sans craindre ces trappes, beaucoup trop nombreuses, formées à travers un plancher disjoint, et dont l’édilité san-franciscaine, oubliant un peu ses devoirs, laisse les quais toujours parsemés. Partout on remarque une dévorante activité. L’encombrement des marchandises qu’on débarque ou qu’on charge, les cris des portefaix, le va-et-vient rapide des voitures, le mouvement lourd des charrettes, sur lesquelles se tient debout l’Américain comme le triomphateur antique sur son char, la foule des passans affairés, tout présente un de ces spectacles exceptionnels particuliers aux grandes villes commerçantes. Le Chinois à la longue queue, aux culottes de soie et au chapeau pointu, le Mexicain drapé dans son sarape, le Chilien dans son poncho aux vives couleurs, le nègre vêtu d’oripeaux, qui passe en chantant et se dandinant, viennent, comme à plaisir, réjouir un tableau des plus animés déjà et des plus pittoresques.

À cinquante lieues environ de San-Francisco, — moitié sur la baie et moitié sur le Sacramento, — se trouve la ville qui porte le nom de ce fleuve, et qui est aujourd’hui la capitale de la Californie. Grande et belle cité, elle renferme près de trente mille habitans. C’est dans son voisinage que furent exploités les premiers placers ; de là son renom en Europe, où l’on ne connaît guère que cette ville et le port de San-Francisco. Des services réguliers de bateaux à vapeur mettent chaque jour en communication San-Francisco, Sacramento et Marysville, située plus avant dans le nord. Marysville est la plus gracieuse cité du Pacifique. Les environs en sont regardés comme le jardin de la Californie, et les abords parsemés d’élégans cottages. Il faut encore citer Stockton, qui occupe sur le fleuve Joaquin une position