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La distance et la différence des races indigènes n’influe en rien sur ce résultat. Ici on peut citer des exemples frappans. Le Cap, la Nouvelle-Hollande, nourrissent les deux races qu’on a toujours été enclin à regarder comme étant les plus éloignées de l’homme européen, celles qu’on a voulu assimiler aux singes ; ces deux régions sont d’ailleurs bien loin de nous, et l’une d’elles est à nos antipodes. Eh bien ! ce sont précisément deux des points du globe qui semblent le mieux se prêter à la colonisation par les races blanches. Au Cap en particulier, le Français chassé par l’édit de Nantes, le Hollandais, l’Anglais attirés par l’espoir d’un bien-être qu’ils ne pouvaient trouver chez eux, ont également multiplié, et les tableaux recueillis par M. Boudin montrent que l’armée anglaise y fait annuellement des pertes un peu moins nombreuses qu’en Angleterre même et dans les corps les plus privilégiés[1].

Empruntons encore quelques faits aux recherches si curieuses de l’auteur que nous venons de citer. Le blanc, a-t-on dit, ne peut vivre dans les pays chauds. M. Boudin montre que, dans l’hémisphère sud, même au milieu des conditions en apparence les plus défavorables, une chaleur très intense ne produit plus les mêmes effets que dans l’hémisphère nord. Par exemple, dans les îles de la Mer du Sud comme dans l’Amérique et l’Afrique méridionales, le blanc semble pouvoir vivre impunément sous le soleil des tropiques et à côté de marais dont les exhalaisons seraient infailliblement mortelles pour lui dans l’hémisphère nord[2]. Le nègre, disait-on encore, se propage et prospère partout où il trouve la température élevée de son pays. M. Boudin prouve par des chiffres que, dans les îles du golfe du Mexique, la race nègre est en décroissance sensible ; il répète la prophétie du colonel Tulloch : « avant un siècle, la race nègre aura presque cessé d’exister dans les colonies anglaises des Indes occidentales ; » mais en même temps il fait voir qu’à la Barbade cette race ne présente encore aucun signe sensible d’une extinction future. Il montre à la Martinique, chez les nègres, un excédant annuel des naissances sur les décès qui s’élève presque au chiffre de deux mille, tandis qu’à la Guadeloupe le nombre des

  1. Dans une période de sept années, les décès sur un personnel de 1,000 hommes ont été de 14,5 pour la cavalerie household, de 15,3 pour les dragons de la garde, de 15,5 pour l’infanterie de la garde et de la ligne. Dans une période de dix-huit ans, la mortalité au Cap n’a été que de 14,1 sur un effectif de 1,000 hommes. — Traité de Géographie et de Statistique médicales.
  2. M. Boudin a particulièrement insisté sur ce résultat si inattendu dans les communications qu’il a faites à la Société d’anthropologie. Il attribue cette innocuité de l’hémisphère sud principalement à l’absence presque complète des fièvres paludéennes. Cette absence elle-même est un fait bien étrange, puisque dans certaines localités, à la Nouvelle-Calédonie par exemple, en pleine région intertropicale, toutes les conditions qui les produisent chez nous semblent être réunies.