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LA POLITIQUE
DU LIBRE ÉCHANGE

I.

TRANSFORMATION ÉCONOMIQUE DE L’ANGLETERRE.



Il faudrait être bien aveugle pour ne pas voir que nous vivons à une de ces époques de rénovation qui fournissent à l’histoire ses dates mémorables. Deux changemens profonds s’accomplissent simultanément, et ne sont, on le reconnaîtra plus tard, que deux aspects différens d’un même phénomène, deux effets d’une même cause ; ils ne tendent à rien moins qu’à transformer les sociétés européennes en modifiant à la fois leur discipline intérieure et le principe de leurs relations. L’un de ces changemens, celui qui concerne le droit public et qu’on appelle en termes vagues le mouvement des nationalités, se révèle, à la manière des volcans, par un travail souterrain qui aboutit à des explosions : il brise les traditions, heurte des mêmes coups intérêts et sentimens, suscite d’ardentes sympathies ou de sombres colères par l’audacieuse grandeur du spectacle qu’il présente. Aussi a-t-il le privilège d’occuper l’attention, et bien que le temps ne soit pas encore venu de l’analyser sans passion, de le définir en pleine connaissance de cause et d’effets, il est à peu près l’unique thème de controverse dans les cercles politiques comme dans les journaux.

De l’autre grand changement social, on daigne à peine parler : c’est qu’il n’est plus une nouveauté pour notre public, au moins comme théorie, que ses effets dans la pratique ne se font pas sentir d’une manière immédiate et directe, et que le nom sous lequel il a été vulgarisé, le libre échange, donne lieu à une interprétation