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prospérité ; tout ce qu’ils entendent dire de la force de la chrétienté, ils le regardent comme un conte. C’est ainsi que la condition des musulmans de Syrie, est un reste de ce qu’était autrefois la Turquie plutôt qu’un exemple de ce qu’elle est aujourd’hui. — Les chrétiens de Syrie sont une population fine, cherchant avant tout à s’enrichir, habile dans le commerce, mais misérablement avare à l’intérieur, basse et abjecte quand elle n’a pas d’appui, insolente quand elle se croit soutenue et protégée. La plus grande partie de cette population vit dans un état de terreur chronique. C’est l’effet naturel de ce qu’elle a souffert dans le massacre de 1850, et sa terreur s’est encore augmentée par les catastrophes du Liban et de Damas. Cependant les mesures adoptées pour prévenir l’explosion des massacres ont réussi jusqu’ici, et si elles continuent à réussir, ce ne sera pas pour moi une médiocre satisfaction d’avoir pu coopérer au maintien de l’ordre. » Voilà de belles et nobles paroles ; elles sont dignes d’un consul anglais. Celui-là n’a pas borné son rôle à contrecarrer la France, à se rendre influent auprès des musulmans, à conniver à leur fanatisme, de telle sorte qu’au jour du massacre général des chrétiens il pût trouver près des meurtriers un respect qui ressemblât à une complicité.

Lord Palmerston a été accusé dernièrement dans le parlement d’avoir fait des extraits infidèles des dépêches de M. Burnes, l’habile et brave agent de l’Angleterre dans l’Afghanistan. Je ne crains pas que pareille chose arrive aux rapports des consuls britanniques en Turquie. Le ministère anglais a promis que ces rapports, qui devaient rester confidentiels et réservés pour l’usage exclusif du foreign office, seraient publiés et communiqués au parlement. Peut-être la confidence qui nous a été faite de ces rapports, et dont nous avons fait part au public, n’a pas été étrangère à la promesse du ministère anglais. Pourquoi en effet faire un mystère de ce qui n’est plus un secret ? Notre indiscrétion a prévenu peut-être l’habileté des citateurs officiels. Ils ne peuvent plus faire d’adroits extraits qui changent les non en oui et les oui en non. Le parlement anglais, l’Angleterre saura, par les rapports de ses consuls, quel est le véritable état de l’Orient, quelle est la confiance que l’on doit avoir dans les Turcs, dans leur puissance, dans leur bonne volonté, dans leur justice. Elle comparera le langage impartial de ses agens, très Anglais d’esprit et de cœur, mais en même temps très honnêtes de conscience et incapables de trahir la vérité, elle comparera ce langage avec celui de lord Palmerston ; elle verra si lord Palmerston ne se moque pas à la fois de la vérité et de l’Angleterre en soutenant que, de tous les états de l’Europe, la Turquie est celui qui, depuis vingt ans, a fait les plus grands progrès dans la civilisation.