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suffit pour établir entre les deux tableaux d’assez profondes différences. Le nôtre est la première pensée du peintre : il est daté de 1653, quatre ans plus tôt que celui d’Amsterdam ; il a les qualités de sa petite taille, il est surtout charmant, tandis que l’autre, bien qu’identique en apparence, est d’un tout autre caractère : il a l’ampleur et la noblesse qui conviennent à ses dimensions.

Je n’insisterai pas sur ces remaniemens du musée d’Amsterdam que je me permets de demander. L’idée m’en est venue sur place ; je les croirais utiles, et si je les propose aux directeurs de ce précieux dépôt, c’est sur la foi de l’excellent livret que nous devons à leur sollicitude. Quand on aime assez les tableaux pour les décrire ainsi, on doit comprendre chez les autres l’envie de les bien voir. Cette notice, à mon avis, est un petit modèle, à la fois sobre et abondante, elle en dit assez, jamais trop. Chez nous aussi, on a fait récemment de louables efforts en ce genre, et je n’en voudrais pas médire : nos livrets sont maintenant remplis de détails biographiques d’un sérieux intérêt ; mais ce luxe d’érudition, contraint de se cacher sous une forme microscopique, est-il bien à sa place ? J’avoue que je préfère les documens modestes et le texte lisible du livret d’Amsterdam. J’y trouve avec plaisir un récolement exact des tableaux, des descriptions minutieuses mais complètes, sans mélange de conjectures et d’appréciations, des fac-similé de signatures, des faits enfin, rien que des faits. Ceux qui ont gratifié le public d’un si bon instrument d’étude ne lui refuseront pas, j’espère, un genre d’enseignement plus instructif encore, la vue des tableaux eux-mêmes, bien placés et bien éclairés.

Mais revenons à la Distribution des prix de van der Helst, ou plutôt à ces deux formes d’une même pensée, à la fois si semblables et si diverses. L’échelle d’un tableau est donc par elle-même quelque chose de considérable, quelque chose qui influe sur la nature du style. Ces démarcations matérielles dont on a souvent abusé, ces classifications des genres d’après la dimension des toiles ne sont donc, après tout, ni complètement fausses ni toujours arbitraires. S’il est quelques rares tableaux qui nous semblent immenses dans vingt centimètres carrés, s’il en est d’autres au contraire qui, sur d’immenses toiles, font l’effet de très petits tableaux, la vérité n’en est pas moins qu’en général, dans les arts du dessin, on ne s’élève à certaines hauteurs, à certain ordre d’idées, d’impressions et d’effets, qu’en donnant à la figure humaine sa grandeur naturelle. Aussi je ne puis m’étonner assez que ces artistes hollandais, ceux-là du moins qui avaient reçu le don de composer et de peindre autrement qu’en dimensions réduites, n’en aient pas fait un plus fréquent usage, et que, de parti-pris et non par impuissance, ils aient négligé