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saisir cette occasion de pratiquer quelques intelligences dans ce dernier, en intercédant pour sauver ses partisans compromis ; mais si c’était là peut-être sa principale visée, il avait un autre dessein, moins public, qui était de saisir les fils d’une conspiration ourdie, lui disait-on, entre quelques-uns des chefs du parti populaire anglais et ceux des Écossais qui dès lors avaient en vue non-seulement l’abolition de l’épiscopat, mais le renversement de l’autorité royale, ou la séparation de l’Ecosse d’avec l’Angleterre, et le don volontaire de l’Ecosse à la France. Vous devez savoir qu’il en a été fortement question.

Dans la correspondance établie entre les chefs du parti parlementaire anglais et les covenanters d’Ecosse, certaines gens promettaient au roi d’Angleterre qu’il trouverait les preuves légales d’un crime de haute trahison. Il y avait en effet des lettres où les covenanters étaient invités à faire marcher leur armée en Angleterre (pareil appel à l’invasion étrangère[1] est trahison au premier chef selon les lois anglaises). Il y avait aussi un engagement souscrit par divers membres de la pairie et des communes qui les liait envers les Écossais, et cela lorsque ces derniers étaient encore en armes contre l’Angleterre, puisque cet engagement remontait à l’année 1640. Armé de ces pièces écrites et signées qui mettaient entre ses mains la tête de ses principaux ennemis, le roi d’Angleterre pouvait tirer une terrible vengeance du supplice qu’ils avaient infligé à mylord Strafford. Fort heureusement pour eux, elles se trouvèrent en des mains fidèles, celles du sieur Archibald Johnston, qui, pour telles prières que le roi lui fît et telles offres dont il les accompagnât (sachant bien qu’il les avait en dépôt), ne consentit à les lui livrer[2].

Le séjour du roi dans Edimbourg portait également ombrage aux presbytériens de ce pays et aux gens du parlement anglais. Vous comprendrez ceci, madame, en vous représentant l’Ecosse comme une femme dont deux prétendans rivaux se disputent les faveurs. Le roi Charles y a des serviteurs zélés et sait bien qu’il pourrait, surtout parmi les montagnards, y réunir une armée fidèle à sa race. Le parlement d’un autre côté, qui a déjà expérimenté les avantages d’une alliance avec le covenant, serait fort marri si le fanatisme religieux de ces gens qui font la guerre aux évêques ne venait en aide à ceux qui volontiers prendraient les armes pour le maintien de ce qu’ils appellent « les libertés de la nation. » C’est donc, entre les deux, à qui gagnera l’appui de ce pays pauvre, mais puissant par la

  1. Ce mot pourra surprendre ceux qui ne se souviendront pas que l’union de l’Ecosse à l’Angleterre a été votée seulement le 25 mars 1707.
  2. Burnet, l’évêque historien, propre neveu d’Archibald Johnston, confirme expressément tous ces détails. — Voyez aussi l’Histoire d’Ecosse de Laing, t. III, p. 520, et un passage très explicite de l’Icon basilikè.