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Votre grande amie, reprenant le courage qui lui avait un peu failli depuis le départ de madame sa mère, ne voulut point manquer cette occasion de montrer qu’après tout le roi pouvait compter encore sur cette bonne Cité de Londres, où on lui avait, en ces derniers temps, suscité de si grands embarras, et nous croyons savoir qu’elle s’entendit à ce sujet avec le sieur Gournay, lord-maire, bon royaliste et courageux, à qui la chevalerie fut promise, si les choses se passaient au gré de leurs majestés. Il arrangea tout selon leur désir, sans tenir compte du ressentiment des communes, qu’il doit aujourd’hui se repentir d’avoir encouru, car elles lui ont déjà ôté sa mairie, et il est en ce moment prisonnier à la Tour.

Le 25 novembre 1641, jour de la rentrée du roi dans sa capitale, fut, je puis vous l’assurer, une fête comme vous n’en avez guère vu. Toutes les maisons étaient tendues de tapisseries, les rues pleines d’une foule joyeuse qui criait à tue-tête : Long live king Charles ! Plus de cinq cents bourgeois de la Cité, dans leurs plus riches costumes, formaient la cavalcade d’honneur qui escortait sa majesté, montée sur un admirable alezan. À Moorgate, sous une tente des plus magnifiques, elle fut haranguée par le lord-maire, et lui répondit de bonnes paroles, qui étaient répétées de toutes parts avec mille bénédictions. Le gala royal, donné à Guild-Hall, fut de la plus grande richesse. Les journées étant très courtes au mois de novembre, sa majesté, qui s’en revint sur les quatre heures en son palais de White-Hall, parcourut les rues, toujours à cheval, à la clarté de mille torches. La populace, pour qui l’on avait percé maint tonneau de claret dans Corn-Hill, Cheapside et Fleet-Street, poussait des clameurs à fendre la nue. Si jamais prince put se croire adoré de ses sujets, ce fut bien Charles d’Angleterre à ce moment de son règne. Je me souviens pourtant que, ce jour-là même, milady Carlisle, qui me vit passer de son balcon, me parut avoir les yeux bien brillans et les lèvres bien serrées, et comme je lui montrais White-Hall fort illuminé, elle, du doigt, m’indiqua Westminster, ce que je compris le lendemain seulement, lorsqu’un de nos gens me vint dire que le parlement y avait débattu toute la journée et toute la nuit, non sans beaucoup d’opposition, une remontrance au roi, dans laquelle tout son règne est passé en revue depuis qu’il a pris le sceptre et la couronne, l’état du royaume peint sous les couleurs les plus sombres, et les réformes à faire indiquées à côté des réformes déjà obtenues.

Quatre jours plus tard, à savoir le 29° de novembre, M. Sydney Bere, qui venait d’être nommé sous-secrétaire d’état, s’expliquait, dans une lettre qui nous fut vendue, sur les grands dissentimens qui existaient entre les deux chambres, et même au sein des communes, relativement à la publication de la remontrance, que les uns