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départ pour Spa, l’ont proclamée suspecte de vouloir ourdir à l’étranger des trames contre les libertés de l’Angleterre, cette princesse s’est regardée comme en péril chez ce peuple implacable. En combattant contre les gens du parlement, elle estime qu’elle défend sa vie, et pour cela tous les moyens sont bons, même les mauvais. On croit donc que c’est principalement à elle qu’il faut attribuer le parti pris par le roi d’accuser les six membres du parlement. Pour autant que nous ayons pu pénétrer le secret de cette nuit mémorable, où l’on délibéra les mesures violentes qui allaient suivre, on y tint conseil fort longtemps, et la reine en était. Il y eut aussi force allées et venues en sens divers, le chevalier Killigrew ayant passé la nuit à courir les innes of court, où il colportait imprimés les articles de trahison, avec force exhortations aux jeunes gentlemen de venir le matin à White-Hall, où sa majesté les appelait. Ils y étaient déjà venus quelquefois pendant ces tumultes, et on les y traitait bien, le couvert étant toujours mis pour eux. Killigrew n’était pas, nous l’avons su depuis, le seul messager qui, cette nuit-là, circulât pour le roi. Vous avez vu que la chambre des communes avait fait passer aux autorités municipales l’ordre de lui envoyer des milices pour la protéger. Sa majesté, ayant eu connaissance de cette mesure, voulut en détruire l’effet, et, de concert avec le secrétaire Nicholas, dressa dans la soirée du 3 un counter-warrant pour l’exécution duquel il s’en rapportait au bon vouloir du lord-maire Gournay. Ce magistrat était chargé par le contre-ordre en question de convoquer les trained bands de la Cité, non pour les communes, mais pour le service du roi, « lesquelles milices municipales, bien armées et pourvues, supprimeraient tous désordres tumultueux, disperseraient les groupes assemblés sur la voie publique, et, dans le cas où les citoyens refuseraient d’obéir, feraient feu sur les rebelles… » Cette pièce, remise au messager Latche (je sais son nom pour l’avoir vu et questionné), devait être portée au lord-maire le soir même, et, s’il se pouvait, avant l’arrivée des envoyés de la chambre des communes ; mais, pour une raison ou l’autre, quand cet homme arriva chez le lord-maire, à passé minuit, il y avait été devancé par MM. Venn et Pennington. Le lord-maire était étendu sur l’oreiller municipal, et ce fut à grand’peine qu’on put arriver jusqu’à lui. La cédule royale lui fut remise ; mais il déclara qu’il l’ouvrirait seulement le lendemain, en présence de ses sheriffs, convoqués à cet effet. En revanche, il donna copie au messager royal de l’ordre émané des communes, et lui dit que les deux députée par lesquels cet ordre avait été apporté manifestaient de grandes craintes, mais en termes couverts et mystérieux. De tout ceci le messager rendit compte par lettre à sir Edward Nicholas, après être allé s’assurer, du côté de la Tour, que rien ne bougeait.