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qu’il avait reçu à son retour d’Ecosse, tenta de se rendre, sans escorte militaire, auprès du conseil municipal. Il s’y connaissait de bons amis, et comptait sur l’autorité des anciennes traditions, qui devaient, pensait-il, lui donner les moyens d’en venir à ses fins, car il s’obstinait encore en cette illusion, que les accusés lui seraient livrés, sinon par leurs collègues, au moins par les gens de Guild-Hall. Il le leur demanda nettement, « espérant, disait-il, qu’aucun brave homme ne voudrait détenir ces traîtres contre lui ; il voulait leur faire procès selon les lois. Et comme on l’accusait, continua-t-il, de favoriser la religion du pape, il s’engageait sur sa parole de prince à poursuivre quiconque s’opposerait aux lois et statuts du royaume, tant les papistes que les séparatistes, de plus à maintenir la vraie foi protestante, professée par son père, et dont lui ne se départirait jamais, sa vie durant. » Ce qui le fit ainsi insister sur ce dernier point, c’est qu’il n’avait point reçu par les rues un trop favorable accueil. Son carrosse était faiblement escorté, et la foule en profitait pour venir crier aux portières en faveur des privilèges du parlement. Même un de ces croquans lui jeta un papier sur lequel étaient écrits ces mots : A vos tentes, Israël ! ce qui est proprement un « appel aux armes » selon la mode presbytérienne. Cet homme fut arrêté sur place et remis aux magistrats. Encore était-ce là un symptôme de la disposition des esprits.

À l’issue du discours royal, pas un mot ne fut prononcé tout d’abord ; mais bientôt un cri s’éleva dans le conseil municipal, et c’était le même qu’avaient fait entendre les gens du peuple : Parliament ! , Privileges of parliament !… D’autres répondaient, il est vrai : Dieu bénisse le roi !… mais il y en avait au moins autant des premiers que des seconds. Le roi, voyant durer ce tumulte, frappa sur la table pour obtenir silence, et commanda qu’un des assistans parlât seul, si on avait quelque chose à lui faire entendre. Quelqu’un dit alors : — C’est le désir de cette cour que votre majesté prenne l’avis de son parlement. — Un autre conseiller riposta : — Ce n’est pas le désir de cette cour, mais votre désir, à vous qui parlez, — Et le roi, prenant la parole : — Qui donc ose dire que je ne prends pas l’avis de mon parlement ?… Je prends et prendrai toujours son avis ; mais je ne confonds pas le parlement avec quelques traîtres qui en sont… Ceux-ci, ajouta sa majesté, qui dans ce moment était tant soit peu hors d’elle, ceux-ci, je leur ferai leur procès… leur procès !… leur procès ! entendez-vous ?… Il y eut encore un silence, mais de nouveau, sur les derniers rangs, un homme se leva et dit à voix haute : — Les privilèges ! les privilèges ! — Remarquez bien cet homme, arrêtez le ! fut-il crié de plusieurs endroits. Le roi au contraire, les apaisant du geste, reprit avec plus de calme : — Ce n’est pas moi qui violerai les privilèges du parlement ; mais il n’est pas de privilège