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« Défectueux dans sa base, disait l’exposé des motifs, le système de l’échelle mobile a été mis en pratique d’une manière plus défectueuse encore. La loi du 4 juillet 1821 a établi quatre classes divisées en huit sections. Or les sections d’une même classe ne sont pas toujours limitrophes, et de cet enchevêtrement de territoire il est résulté contradiction, confusion et désordre… Certains départemens peuvent recevoir des grains à 18 francs, d’autres à 22, d’autres à 24… Le choix des marchés régulateurs n’a pas donné lieu à moins de plaintes ; une hausse et une baisse factices obtenues sur un marché où il n’aurait été vendu qu’une centaine de sacs peuvent réagir d’une manière sensible et fermer les ports aux grains étrangers ;… mais le vice radical de ce système, vice qu’aucune précaution de détail ne peut pallier, réside dans cette alternative perpétuelle d’admissions et de prohibitions. On a plus d’une fois déploré l’établissement d’un régime qui rend précaire la faculté d’importer sans en prévoir le commencement ni la fin, et qui fait dépendre cette faculté de mercuriales dont les élémens ne présentent aucune garantie de vérité et d’exactitude. »

En conséquence, le projet de loi n’établissait que deux zones au lieu de quatre, supprimait la prohibition éventuelle, adoptait pour règle le prix du pain au lieu des marchés régulateurs, etc. On n’avait pas cru possible de passer brusquement d’un système à un autre, mais on avait essayé de corriger les plus grands défauts de l’échelle mobile. La commission de la chambre des députés ne partagea pas les idées du gouvernement, et, comme celle de 1821, elle prépara un contre-projet. La discussion fut assez vive.

« Si l’on considère la suppression de la prohibition, dit M. d’Argout, ministre de l’agriculture, en combattant le contre-projet comme pouvant être une cause de ruine pour la production, de conséquence en conséquence je démontrerai invinciblement la nécessité de prohiber la circulation de province à province… Quel est le prix rémunérateur demandé pour Toulouse ? 20 francs. Quel est le même prix pour Marseille ? 28 francs. Les frais de transport entre les deux villes sont de 2 fr. 50 cent. Toulouse ruine donc l’agriculture de la Provence, et, pour soutenir ce système, il faudrait remonter aux temps de barbarie, empêcher la circulation à l’intérieur, et séparer par des prohibitions les Bouches-du-Rhône de la Haute-Garonne… Du moment où la loi a proclamé qu’on peut affamer un pays en permettant les exportations, et qu’on peut ruiner les agriculteurs en permettant les importations, le peuple peut faire une fausse, dangereuse et criminelle application du même principe. La France sera affamée, peut-il dire ; mais notre arrondissement, notre canton, notre commune, seront pareillement affamés, si nous laissons sortir