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à l’anarchie. On nous dit qu’il faut le despotisme pour sauver la démocratie. L’histoire répond qu’un principe de mort ne peut donner la vie, que ce qui a tué les sociétés anciennes ne peut sauver la société moderne.



JULES DE LASTEYRIE.



LES ARTISTES SCANDINAVES A L'EXPOSITION

Que faut-il dans les arts pour constituer une école ? Une communauté d’inspiration et de mérite qui peut être lue à l’exemple d’un ou deux maîtres de génie ou à de certaines Influences extérieures agissant de même façon sur un grand nombre de talens exercés. Même sans Rembrandt, qui l’a illustrée, l’école hollandaise se fondait, et l’on reconnaît aujourd’hui plus d’une école étrangère de peinture qui se distingue seulement par une manière particulière et uniforme, sans avoir produit des œuvres d’une incontestable supériorité. À ce dernier titre, beaucoup de conditions se réunissent pour faire du groupe des peintres Scandinaves une école que les récentes expositions européennes, et particulièrement la grande exposition parisienne de 1855, ont mise en lumière. Ce n’est certes pas empiéter sur le domaine de la critique spéciale à laquelle appartient l’examen du Salon que de montrer comment cette école s’est formée, et quels sont les antécédens des peintres qui la représentent aujourd’hui devant le public parisien.

Les motifs d’inspirations à la fois spéciales et communes ne manquent pas aux peintres Scandinaves. Le protestantisme, il est vrai, les a privés, au point de vue de l’art, d’une source religieuse abondante : leurs cieux sont vides d’apparitions brillantes, et leurs froides églises sont dénuées de représentations mystiques ; leur pinceau ne rencontre plus qu’un christianisme abstrait, dont l’expression la plus ordinaire est dans les sentimens de la vie de chaque jour, et surtout dans les émotions graves et douces de la vie de famille. C’est ce qui restreint pour eux en bien des cas le domaine de l’art à la peinture de genre, dont ils élèvent du reste le niveau par un mélange de naïveté et d’austérité qui produit parfois un grand effet. Les tableaux de M. Tidemand sont en cette manière des modèles. On doit citer particulièrement ceux dont il a décoré le gracieux château d’Oscarshall, à Christiania. C’est une suite de scènes représentant la vie du paysan norvégien. Jeune fille et jeune garçon échangent d’abord les promesses et les serremens de mains. Vient ensuite la procession de la mariée au riche costume vers le seuil de l’église en bois sculpté. Bientôt le nouveau ménage apparaît dans sa jeune majesté, avec le sourire du bonheur devant le berceau du premier enfant, puis avec l’amertume de l’anxiété au chevet du petit malade : ici la mère a veillé nuit et jour, elle est brisée, et sa plainte est muette ; la Bible est ouverte sur ses genoux, elle y cherche le secours divin ; le père, assis au pied du lit, les bras croisés, est immobile, dans l’attitude de la résignation et de la douleur ; une lampe fixée à l’une des solives