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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/110

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mouvemens spontanés, sous ces métamorphoses rapides, une cause spéciale, un moteur particulier ? Par l’organe de M. Berthelot, la chimie organique nous déclare qu’en ce qui concerne les principes immédiats des êtres vivans, il faut renoncer à l’attrait de l’inconnu ; ce qui compose le végétal, ce qui est la substance de l’animal sort de l’abîme inorganique par l’effet de lois chimiques certaines, connues, dont l’homme peut lui-même diriger l’emploi.

Est-ce assez d’admettre l’action simultanée de forces physiques et chimiques pour expliquer les transformations qui s’opèrent dans l’être vivant ? Pénétrons un peu plus avant dans le problème. Toutes les synthèses que M. Berthelot a été assez heureux pour produire démontrent d’une façon péremptoire que l’affinité chimique suffit à construire ces substances diverses que le savant nomme principes immédiats, et qu’il retrouve dans la nature organisée avec une structure spéciale, mais avec une composition identique à celle des êtres artificiels qu’il produit. Cependant il est une idée inséparable de la notion même de l’être, sur laquelle se porte l’esprit aussitôt qu’il est question des phénomènes de l’organisation : c’est l’idée de développement, c’est la loi de succession en vertu de laquelle les êtres vivans ne sont pas seulement dépendans des forces matérielles ordinaires, mais encore du temps. Ils ne demeurent pas identiques à eux-mêmes comme la pierre ou le minéral, mais ils traversent des phases diverses ; durant chacune de ces métamorphoses, on peut, par une analyse délicate, arriver à découvrir à chaque instant les forces qui se trouvent en jeu. Seulement la loi générale de ces métamorphoses, où la chercher ?

Pour répondre à cette question d’une importance vraiment capitale, il faut apprendre sous quelles influences les forces chimiques inhérentes à toute molécule matérielle sont sollicitées à agir dans l’être vivant. Le phénomène capable de jeter le plus de lumière sur ces réactions subtiles est celui qu’on connaît sous le nom de fermentation. L’existence, pourrait-on presque dire par une métaphore hardie, n’est qu’une longue fermentation ; depuis longtemps, on a comme le pressentiment que les actions que nous comprenons sous cette dénomination générale servent de lien entre les réactions chimiques ordinaires et les phénomènes vitaux. Il y a en effet dans une fermentation tout un petit drame chimique qui est comme une image affaiblie et atténuée de la vie ; on peut y distinguer un commencement, un maximum d’activité, et une fin. Sans s’arrêter à d’aussi vagues comparaisons, on peut retrouver dans les fonctions particulières des organes vivans quelque chose qui rappelle entièrement les fermentations ordinaires.

L’affinité chimique, s’exerçant dans le règne organique sur un très