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que le gouvernement français avait pris son parti de la fin du pouvoir temporel. On n’avait pas fait ce que la logique et la plus simple prévoyance commandaient, si l’on voulait conserver le pouvoir pontifical et ajourner les problèmes redoutables de l’unité italienne et de l’abolition du principat des papes. Aujourd’hui, par notre obstination à demeurer à Rome, nous agissons comme si nous voulions empêcher l’unité italienne de s’asseoir et de se régulariser ; nous montrons, dans un sens opposé, un égal oubli de la logique et de la nature des faits.

À ne considérer que Rome, nous ne savons rien de plus exceptionnel que l’état de la population de cette ville. Que l’immense majorité de cette population soit hostile au gouvernement pontifical, les partisans mêmes de ce gouvernement l’avouent. Or, nous le demandons, jamais population a-t-elle été soumise dans un temps de surexcitation politique à une telle épreuve ? Que n’a-t-on pas tenté pour la faire sortir du calme qu’elle s’impose avec un esprit de discipline singulier, pour la compromettre envers les troupes françaises ! Il y a certes dans son sein des têtes ardentes ; avec quel art la sagesse de la masse les contient ! Cependant toute patience a un terme, Réussira-t-on toujours à prévenir des témérités ? Dans le camp san-fédiste, on ne se fait pas faute de démarches publiques, de manifestations qui provoquent et irritent les opinions contraires. Il y a eu une manifestation de ce genre le 12 avril ; on en annonce une nouvelle pour le 5 mai. On a réussi à prévenir tout désordre sérieux le 12 avril ; sera-t-on aussi heureux le 5 mai ? Si cette journée se passe bien, on le devra à l’influence piémontaise. Les esprits avisés de Rome écrivent en effet à Turin qu’il est difficile cette fois de répondre de la tranquillité, si l’on ne peut montrer aux hommes influens du peuple, de la bourgeoisie, du corps universitaire, un ordre écrit du premier ministre italien qui prescrive le silence et l’abstention. Ainsi c’est le gouvernement de Turin qui déjà exerce à Rome la première fonction de la souveraineté, la conservation de l’ordre. Des troubles, des malheurs que ne pourraient prévenir ni le caractère vénérable du saint-père, ni les forces françaises, ni la finesse politique de la population, un mot de Turin suffirait pour les conjurer ! Mais de tels mots peuvent-ils se dire, se signer ? Peut-on affronter les responsabilités auxquelles ils engagent ? peut-on gouverner de la sorte un pays où l’on n’a ni organe ni représentant ? Ce tour de force peut-il être renouvelé chaque jour ? Indépendamment des anomalies intérieures de Rome, quels obstacles la situation de cette ville ne suscite-t-elle point au dehors à la pacification de l’Italie ! Voilà par exemple le roi de Naples qui y prolongé indéfiniment son séjour. Certes il est loin de notre pensée de vouloir rien dire de défavorable sur le compte de ce jeune prince dont nous n’avons point appelé la chute ; rien de plus naturel, de plus légitime à son point de vue que de demeurer le plus longtemps qu’il pourra sur le sol de la patrie italienne, à la frontière des états qu’il a perdus. Que l’on se place au contraire au point de vue des nouvelles conditions faites à