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(maison) en forme de tour fortifiée, qui s’élevait en dehors de l’enceinte du village. Les Russes, postés derrière d’énormes blocs de rochers entassés pour protéger la maison, commencèrent une vive fusillade, pendant qu’une partie d’entre eux, escaladant la toiture, s’efforçaient de la démolir. Gazy-Mollah ne comptait plus que sept ou huit de ses murides encore debout : il leur proposa de sortir résolument contre les assiégeans et de mourir en vendant leur vie aussi chèrement que possible. Il se précipite le premier ; en même temps une pierre, lancée du haut de la toiture, l’atteint à la nuque et le renverse ; à l’instant il est achevé à coups de baïonnettes. Schamyl, qui se tenait immédiatement derrière lui, inspiré par sa merveilleuse présence d’esprit et son génie fertile en expédiens, jette d’abord un regard furtif à travers la porte, et aperçoit à dix pas de distance de la maison deux soldats qui couchaient en joue le premier qui apparaîtrait. Il se glisse jusqu’auprès du seuil en se dissimulant, et, rapide comme l’éclair, d’un bond, passant par-dessus la tête des soldats ébahis, va retomber derrière eux. Profitant de leur surprise, il les attaque et les tue : un troisième, qui cherchait à fuir, a le même sort ; mais, pendant qu’il était aux prises avec ce dernier, un quatrième survient, et avec sa baïonnette lui traverse la poitrine et le dos de part en part. Saisissant fortement le fusil que tenait son adversaire, il attire celui-ci à lui et l’abat à ses pieds ; puis, arrachant le fer qui était demeuré fixé dans sa poitrine et bouchant d’une main sa blessure, il continue de l’autre à combattre contre un groupe qui s’était formé. Dans l’intervalle, une pierre de la grosseur de la tête d’un homme le frappe au flanc droit et lui brise les côtes et l’omoplate. Les Russes le tenaient serré de si près qu’ils ne purent faire usage de leurs fusils contre lui ; remarquant dans leurs mouvemens quelque hésitation et du désordre, il redouble d’efforts, les repousse avec son schaschka, et, les forçant à reculer, se fait jour et se sauve par un des sentiers dérobés de la montagne.