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premiers s’affranchiraient des entraves d’une législation surannée ! Comment en venir là ? En cherchant des solutions pratiques au lieu de s’enfermer dans les théories. La solution que proposait Faucher ne manquait pas d’originalité. Dans la disposition des esprits, la forteresse des tarifs ne pouvait pas être emportée de front ; il s’ingénia pour la tourner. Justement alors l’Allemagne offrait un curieux spectacle. La plupart de ses petits états, renonçant à une fiscalité hétérogène qui nuisait à l’activité commune, venaient de s’unir à la Prusse dans une confédération des douanes qui est connue, sous le nom de Zollverein. C’est de cet exemple que l’économiste s’inspira. Il conseillait à la France de former, avec la Belgique, l’Espagne et la Suisse, une confédération analogue sous l’empire d’un tarif uniforme. Plusieurs avantages étaient attachés à cette combinaison, et l’auteur les faisait valoir : un marché plus étendu, des frais de perception moindres, enfin, et c’est ce qui le touchait le plus, un retour à des droits plus modérés amené par des convenances réciproques. Des tableaux à l’appui éclairaient et complétaient ce travail. L’effet en fut bon sur les meilleurs juges, bon également sur cette portion du public qui, dégagée de préventions, cherche un enseignement dans des lectures sérieuses ; mais l’accueil fut tout autre de la part de ceux, dont les intérêts s’accommodaient mal d’un changement de régime. Ils étaient les maîtres, et ne se laissaient entamer ni en bloc ni par le détail. Aussi le plan de Faucher fut-il emporté par le flot d’opinion qui en avait emporté tant d’autres. Au fond, même pour un esprit libre, ce plan soulevait plus d’une objection. Il s’agissait d’établir un concert là où régnaient de profondes incompatibilités, par exemple entre l’Espagne et la Suisse, l’une livrée au monopole, l’autre en possession d’une complète franchise. À l’exécution, un échec certain eût attendu les négociateurs. L’auteur sentit ce point faible, et plus tard, en s’amendant à propos, il limitait à la Belgique son projet d’alliance de douanes.

Ces diverses publications, prises sur les heures disponibles que lui laissait le soin de son journal, indiquaient ce que Faucher pourrait faire avec plus de loisir et d’indépendance. Sa position était désormais assurée. Il avait épousé en 1837 Mlle Alexandrine Wolowska, fille d’un ancien député à la diète de Pologne, et sœur de M. Wolowski, qui devint pour lui un frère d’armes, un compagnon et un émule dans les mêmes travaux. Sa mère venait de s’éteindre, entourée de soins, son frère était hors d’embarras. Il avait trouvé dans son mariage, avec une certaine aisance, les joies et les consolations du foyer, et dans la compagne de sa vie les dons de l’esprit unis aux qualités du cœur. Ce fut donc sans trouble qu’il renonça au revenu régulier et important qu’il tirait de sa position dans la presse quotidienne. Il savait qu’il n’en retrouverait pas l’équivalent dans