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qu’ils s’étaient bornés à combattre une conception religieuse qui s’appuie exclusivement sur tel ou tel élément du système ; mais ils ne tardèrent pas à tomber eux-mêmes dans un travers semblable. Il y a plus : dans l’impossibilité de trouver le moment précis où la tradition a cessé de se développer d’une manière organique, ils se virent insensiblement amenés à admettre toutes les doctrines et les institutions du catholicisme. Les reliques, les prières pour les morts, la confession, les sacremens, la messe, rien ne les arrêta. D’un autre côté, ils hésitaient à abandonner l’église dans laquelle ils avaient été élevés, sur laquelle ils exerçaient alors même une action si extraordinaire, et qu’ils avaient déjà réussi à pousser dans des voies si inattendues. C’est alors que parut le fameux traité 90, dans lequel M. Newman (le voile de l’anonyme a été levé), au moyen d’une argumentation qui rappelle beaucoup les subtilités flétries par les Provinciales, cherchait à concilier la foi anglicane avec la foi romaine. Il ne s’agissait de rien moins que d’accorder le oui et le non, de trouver l’autorité de l’église dans un article qui proclame l’autorité exclusive de l’Écriture, de maintenir l’infaillibilité des conciles en présence d’un texte qui les accuse de s’être trompés, de réhabiliter la messe en dépit d’un passage qui la condamne. Pour le coup, le scandale était au comble. L’épiscopat s’alarma. Le traité en question fut censuré. Les plus avancés ou les plus compromis du parti franchirent alors la faible barrière qui les séparait encore de l’église romaine, tandis que les autres, devenus plus timides, restaient dans l’établissement comme les représentans légitimes d’une partie de ses principes et de ses traditions.

Cependant le puseyisme n’a pas disparu de la scène sans susciter, lui aussi, une réaction. Nous venons de voir deux théologies aux prises, — celle de la tradition ou du catholicisme, celle de l’Écriture ou du puritanisme. On reconnaît les deux grandes doctrines religieuses qui depuis des siècles se partagent l’Europe ; mais il est une troisième puissance avec laquelle l’une et l’autre ont déjà été plus d’une fois forcées de compter, une puissance qui, au XVIe siècle, est entrée en ligue avec le principe biblique contre l’église romaine, et qui depuis lors s’est attaquée à son tour au protestantisme et a su déjà lui arracher bien des concessions douloureuses, — je veux parler de la critique. Voilà l’ennemi que le puseyisme a évoqué à sa suite, et qui jette aujourd’hui la terreur dans les anciens partis.

Ce n’est pas la première fois, à vrai dire, que l’orthodoxie anglaise se voit aux prises avec la discussion. Le XVIIIe siècle tout entier, pendant que le flot du méthodisme montait, et avant qu’il eût tout débordé et tout recouvert, le XVIIIe siècle fut rempli de longues discussions dans lesquelles toutes les ressources intellectuelles de l’époque