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Les bordages sont les madriers qui, fixés sur les membrures, forment le revêtement intérieur et extérieur du navire. Il faut que les bois employés soient sains, peu sujets à se fendre et dépourvus de nœuds. La plupart des bordages sont en chêne, et c’est en grande partie des provinces de la Baltique qu’on les fait venir. Le pin, le mélèze, le sapin, le hêtre, servent aussi quelquefois à cet usage ; mais ce dernier ne peut être utilisé que dans la partie de la coque qui est sous l’eau, parce qu’il se pique sous l’influence des alternatives de sécheresse et d’humidité.

Les mâts, qui supportent tous les agrès et qui, dans les navires à voiles, reçoivent tout l’effort de l’agent propulseur, doivent avoir à la fois une grande résistance et une grande élasticité. Les arbres résineux seuls sont propres à cet usage, surtout les pins des Florides, ceux de Norvège, de Suède et de Russie. Le département de l’Aude produit des sapins qui pourraient soutenir la comparaison ; c’est du moins ce qu’a constaté une commission chargée en 1846 d’expériences comparatives sur les qualités des diverses espèces de bois. Le pin laricio de la Corse sera également employé avec avantage, lorsque la création de nouvelles routes en permettra le transport à des frais moins considérables.

Nous ne dirons rien des bois employés à l’aménagement intérieur des vaisseaux ; ce ne sont pas, à proprement parler, des bois de marine, et ils n’exigent pas de qualités autres que celles des bois d’ébénisterie et de menuiserie ordinaires.

On ne connaît pas exactement la dépense de bois qu’exige chaque type de navire. Pour un vaisseau à trois ponts, par exemple, la quantité nécessaire pour la construction de la coque seulement, membrures et bordages, varie suivant les constructeurs de 4,500 à 8,000 mètres cubes de bois équarris. En adoptant le chiffre de 6,000, on doit être assez près de la vérité. Comme l’équarrissage a pour effet de diminuer de moitié environ le volume des arbres employés, ces 6,000 mètres cubes équarris représentent 12,000 mètres cubes en grume,> c’est-à-dire de bois ronds ; c’est la production annuelle d’une futaie de 2,400 hectares, à raison de 5 mètres cubes par hectare. La construction de notre flotte militaire, sur le pied fixé par l’ordonnance royale de 1846, exigerait à peu près 646,000 mètres cubes équarris, et son entretien une dépense annuelle de 40,000 mètres cubes, en supposant, comme on le fait d’ordinaire, que la durée moyenne d’un bâtiment soit de vingt années[1]. Comme les bois ne peuvent être employés aussitôt après l’abatage et que d’un autre côté il faut être à l’abri de toute éventualité, la marine

  1. D’après la commission d’enquête parlementaire nommée en 1840 par l’assemblée législative, pour étudier les divers services de la marine militaire, la quantité de bois nécessaire pour les dépens types de bâtimens pourrait être en moyenne évaluée ainsi qu’il suit :
    mètres cubes.
    Un vaisseau de 120 canons 6,132
    Une frégate de 60 — 2,752
    Une corvette de 30 — 1,336
    Un brick de 20 — 723
    Un brick de 10. — 498

    En appliquant ces chiffres à la composition de la flotte fixée par l’ordonnance de 1846, on arriverait aux résultats suivans :
    Bâtimens à voiles.

    mètres cubes.
    40 vaisseaux. 247,280
    50 frégates 137,600
    40 corvettes 53,440
    100 bâtimens intérieurs 60,000
    Bâtimens à vapeur.
    10 frégates 27,520
    90 corvettes 120,240
    Total 640,080 mètres cubes.

    L’entretien annuel, évalué au 20e sera de 32,300 met. cubes, soit 40,000 met. cubes, pour tenir compte des déchets. Ces 40,000 met. cubes équarris en représentent 80,000 en grume.