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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/465

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conservation des approvisionnement, il a l’inconvénient d’en rendre à peu près impossible l’inventaire périodique. L’extraction et la vérification fréquentes de ces masses énormes de bois occasionneraient en effet des frais trop considérables. Aussi faut-il que, par une comptabilité minutieuse, on tienne un compte exact de toutes les pièces qui entrent dans le bassin et de celles qui en sortent ; c’est le seul moyen que l’on ait de connaître la situation réelle des ressources disponibles.

On a proposé différens autres procédés pour conserver les bois de marine. En Angleterre, on a essayé le silicate de soude, ou verre soluble, qui paraît avoir donné de bons résultats. M. Maissiat, l’un des rapporteurs de la commission d’enquête, a indiqué l’emploi de la chaux, qui, ayant la propriété d’absorber l’humidité et de détruire les insectes, préserve les bois des principales causes de destruction, ainsi que le prouvent les pièces de charpente encastrées dans les murs. Enfin on a pensé que le procédé d’injection du docteur Boucherie pourrait également être appliqué ici avec avantage ; mais cette attente ne semble point encore confirmée.

De tout temps, les gouvernemens se sont préoccupés des moyens d’approvisionner la marine des bois dont elle avait besoin. Il s’agissait pour eux d’un intérêt si puissant qu’ils allèrent parfois jusqu’à lui sacrifier le droit de propriété lui-même. Avant l’ordonnance de 1669, provoquée par Colbert pour arrêter la ruine dont était menacé le domaine forestier de la France, les constructeurs de navires avaient la faculté de prendre dans les forêts royales, où bon leur semblait, les arbres nécessaires aux constructions. C’était une source d’abus faciles à comprendre. Ces exploitations faites au hasard, sans soin ni contrôle, étaient désastreuses pour les forêts, dont elles compromettaient l’avenir ; de plus, les bois abattus étaient souvent détournés de leur destination, et donnaient lieu à des malversations continuelles. L’ordonnance de 1669 introduisit un peu d’ordre dans l’exercice de ce droit, en restreignant le choix des arbres à ceux qui étaient compris dans les coupes annuelles. Les arbres jugés propres à la marine étaient marqués d’un marteau spécial, et livrés, après abatage et façonnage, par les adjudicataires de la coupe aux fournisseurs de la marine, qui leur en payaient la valeur d’après une estimation faite par des experts. Ce droit de martelage n’était pas restreint aux forêts royales, il s’étendait aussi à toutes celles des communes ou corporations religieuses et à celles des particuliers situées à moins de dix lieues de la mer, ou de deux lieues des rivières navigables.

Ce système resta en vigueur jusqu’en 1792, époque à laquelle, pour compléter les approvisionnemens des arsenaux, on opéra dans