Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impôt spécial, et pourtant elles ne peuvent, au même titre, profiter de ces chemins pour l’écoulement de leurs produits. Par une étrange anomalie, la loi considère les exploitations de forêts comme occasionnant des dégradations extraordinaires, et les grève, pour cause de réparations, d’un impôt supplémentaire. Rien ne justifie en réalité cette mesure exceptionnelle, qui aggrave sensiblement les charges déjà si lourdes de la propriété forestière.

Les chemins de fer ont aussi contribué à étendre les débouchés des forêts ; mais la cherté de ce moyen de transport n’a pas permis de les utiliser encore d’une manière générale, et en a jusqu’à ce jour limité l’emploi au charbon et aux bois d’œuvre. Le transport par canaux est préféré non-seulement parce qu’il est plus économique, mais encore parce que les bateaux qui contiennent les bois peuvent servir de magasins et stationner dans les ports jusqu’au moment où l’on trouve des acheteurs. Toutefois les canaux eux-mêmes doivent céder le pas au flottage pour peu qu’il soit praticable. Le flottage consiste à abandonner sur les cours d’eau, soit isolées, soit réunies en trains, les bûches de bois que le courant emporte, vers leur destination. Il est d’un usage fort ancien, car, d’après histoire, c’est par ce moyen que Hiram, roi de Tyr, fit parvenir à Salomon les cèdres nécessaires à la construction du temple de Jérusalem. Pline rapporte également que les Troglodytes se servaient de radeaux pour le commerce des bois de cinname (bois d’odeur). On ne faisait du reste alors qu’imiter la nature, qui offre tous les jours des exemples de flottage spontané. Dans les contrées primitives et couvertes de forêts, comme il s’en trouve en Amérique, on voit incessamment les fleuves rouler dans leurs eaux de nombreux troncs d’arbres qu’ils arrachent aux rivages et les entraîner vers la mer en immenses radeaux. Le fleuve des Amazones, le Mississipi et tant d’autres sont souvent encombrés par ces masses d’arbres enchevêtrés les uns dans les autres au point que la navigation demeure impossible, jusqu’à ce qu’une inondation les charrie vers l’Océan. Ces arbres sont parfois emportés par le gulf stream, depuis le golfe du Mexique jusque sur les côtes du Groenland et de l’Islande, où ils servent au chauffage des habitans de ces contrées déshéritées.

Ce fut vers le milieu du XVIe siècle que le flottage fut introduit en France, et qu’il devint le mode de transport le plus usité pour l’approvisionnement de Paris en bois de chauffage ou de construction. Pendant longtemps, sur la foi de Saint-Yon, qui écrivait en 1610, on avait attribué à un bourgeois de Paris, nommé. Jean Rouvet, l’honneur d’avoir le premier, en 1549, fait arriver dans cette ville des trains de bois flotté depuis le fond du Morvan. Considéré