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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/505

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révèlent à l’occasion de la pétition sur la Syrie dont le sénat s’occupe aujourd’hui. D’abord les pétitionnaires, faute de lumières ou par suite de l’organisation des travaux du sénat, sont exposés à manquer l’à-propos. En outre, n’étant pas bien au courant de l’état des questions qui les intéressent, ils peuvent exprimer des exigences qui gênent, au lieu de la seconder, la politique du gouvernement. Ce sont là justement les inconvéniens que nous appréhendons de la part de la pétition syrienne : arrivant à la discussion quand tout est à peu près fini et résolu, elle ne peut plus donner lieu à une manifestation d’opinion favorable à la politique du gouvernement ; elle est intempestive. Puis elle émane de la portion de l’opinion qui en France a pris le plus vif intérêt aux affaires syriennes, elle exprime les réclamations absolues de cette opinion, qui aurait voulu prolonger indéfiniment l’occupation du Liban par la France. Ces prétentions, se présentant trois semaines avant la retraite décidée de nos troupes, produisent un contraste pénible. Il y a là une illusion d’optique : la France a l’air de renoncer, devant une influence étrangère, à la politique qui avait ses sympathies ; elle a l’air d’avoir voulu une chose et d’en faire une autre ; la satisfaction que cause à l’Angleterre son départ de Syrie devient pour elle en apparence une mortification. L’on eût échappé à cette fausse position, si l’on avait pu tenir officiellement par des explications parlementaires le public français au courant de l’état de la question syrienne. L’on eût dit, ce qui est vrai, que le corps français qui est en Syrie accomplit un mandat européen, que quand l’on remplit un mandat, il n’y a ni loyauté ni dignité à vouloir en dépasser les conditions et les termes sans l’aveu et contre le gré de ceux de qui on l’a reçu, que les puissances qui sont parties à la convention en vertu de laquelle nos troupes ont débarqué en Syrie trouvant que les causes qui ont motivé notre expédition ont cessé, nous n’avons plus qu’à nous retirer sans avoir par là rien à souffrir dans notre amour-propre. En même temps l’on eût appris au public que les choses prennent dans le Liban un aspect plus pacifique et plus rassurant, qu’il n’y a pas lieu d’appréhender le retour des affreux désordres qui nous avaient appelés au secours des chrétiens. Enfin l’on eût donné un aperçu des combinaisons au moyen desquelles on espère assurer la tranquillité du Liban. Le système des trois caïmacans qui avait été proposé pour placer chaque section religieuse sous un chef distinct ayant été abandonné, on est revenu à l’idée de placer toutes les populations sous un seul chef, qui sera chrétien. Quel sera ce chef ? Faut-il le prendre dans la famille Chéab, au risque de provoquer les réactions dont les restaurations sont ordinairement accompagnées, surtout dans les pays barbares ? C’est le point qui demeure encore indécis. On le voit, en tenant le public au courant, par quelques communications faites, sur leur demande, aux membres de nos assemblées, on l’eût éclairé sur la portée qu’il devait donner à ses exigences ; on lui eût montré que la France ne devait ni ne pouvait songer à une prolongation indéfinie de son expédition, on eût enlevé aux interpellations des chambres anglaises leur caractère déplaisant.