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Vulturne, comme Sant’Angelo en domine la rive gauche. Pour arriver au résultat qu’on voulait obtenir, il était nécessaire d’attirer ailleurs l’attention de l’ennemi : une fausse démonstration sur Capoue fut donc résolue. Pendant ce temps, une petite colonne composée d’hommes d’élite tournerait la montagne, passerait le Vulturne et se jetterait sur Cajazzo, qui, quoique défendu par des Napolitains et des Bavarois, pouvait être surpris.

On se mit en marche de bonne heure. Le général Türr commandait en chef et se soutenait vaillamment à cheval, quoique la fièvre l’agitât de nouveau d’une façon presque continue. Les deux brigades Rustow et Sacchi, sorties de Santa-Maria, se portèrent, à travers la plaine masquée d’arbres, droit sur Capoue, et prirent position devant un grand couvent nommé li Capucini. L’action s’engagea. La combinaison était bonne et réussit. Les Napolitains, croyant à une attaque sérieuse pour enlever la ville, réunirent leurs troupes de ce côté, où le combat devint-général. Les royaux, qui sont de bons artilleurs, ne parvinrent ni à rompre ni même à ébranler nos lignes, malgré une canonnade constante habilement dirigée sur elles. La place fit une sortie vigoureuse, qui fut repoussée par le colonel Rustow avec une ardeur un peu imprudente peut-être, car elle lui coûta plus d’hommes qu’il ne convenait. Il se passa là un fait curieux. Nous avions dans l’armée méridionale une compagnie de Suisses forte d’environ cent cinquante hommes ; rien ne put les retenir, ils s’élancèrent jusqu’aux murailles de Capoue, et là, criant et appelant, ils disaient : « Ohé ! les goitreux du Valais, les jésuites de Fribourg, sortez donc, qu’on vous étrille comme des baudets que vous êtes ! Cela vous apprendra à déshonorer le pays de la liberté en vous vendant à des rois absolus ! » On leur répondait à coups de canon ; ils n’en appelaient pas moins leurs compatriotes. Cette brave compagnie menaçait d’être anéantie. Le colonel Puppi fut tué en essayant de la ramener. Il fallut envoyer plusieurs officiers d’ordonnance avec des ordres impérieux pour qu’elle se décidât à venir reprendre sa ligne de bataille. Un officier d’état-major j beau, jeune et blond garçon que nous aimions beaucoup, le baron Cozzo, de Palerme, trouva là une fin héroïque. Il revenait de porter un ordre ; il entendit un cri retentir derrière lui, il se retourna. Son cavalier-guide, abattu par une balle, gisait à terre, exposé à un feu terrible. Cozzo descendit de cheval, vint au guide et le chargea sur ses épaules. Pendant qu’il marchait, ralenti et presque accablé par ce fardeau, un coup de feu plongeant l’atteignit aux reins ; à son tour il tomba ; on releva, on emporta le guide et l’officier. Le premier guérit, mais deux jours après le combat le pauvre Cozzo était mort. Un de nos amis, le major Briccoli,