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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/574

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Donc pour la première fois le roi se décidait à laisser Mme de Maintenon. Quel renversement d’habitudes ! et quel danger ! Dans un amour de cinquante ans, l’habitude, on pouvait le croire, c’était le meilleur de l’amour. Mortelle fut l’inquiétude de la dame, mortelle sa haine de Louvois.

C’est la dernière campagne de Louvois, son chef-d’œuvre, un suprême coup de désespoir. Du fond de la détresse publique, tout s’enfonçant sous lui (comme nos trois cents forteresses en ruine), l’homme qui faisait face à l’Europe l’effraya, la fit reculer. On vit cette fois encore ce que la France était sous sa violente main. La centralisation est une bien grande puissance. Tandis que Guillaume à La Haye négocie, sollicite des forces dans son concile interminable de princes allemands, Louvois de toutes parts a réuni les siennes avec une artillerie, des vivres, un matériel immense. Tout converge sur Mons. La coalition est surprise. Guillaume presse et supplie, s’agite. On lui promet deux cent mille hommes et on lui en donne trente-cinq. Louvois en a cent mille effectifs pour le siège et pour l’armée de Luxembourg. Vauban enserre la ville, et Guillaume ne vient pas encore. Le roi, avec les princes et sa maison, arrive le 21 mars pour cette guerre à coup sûr. Le 26, on ouvre le feu ; soixante-six canons, vingt-quatre mortiers, écrasent la petite ville, l’incendient. Les flammes éclatent partout. Avant le jour prévu, les bourgeois forcent les soldats de capituler et se rendent le 8 avril. Le 12, le roi part ; il laisse Guillaume humilié, ayant perdu devant l’Europe le prestige dont sa victoire d’Irlande l’avait entouré.

Les habiles, frappés du coup de Mons, commencèrent à se dire que les chances de Jacques valaient au moins celles de Guillaume. Les grands amis de celui-ci, les whigs, se trouvaient mal payés de leurs votes et de la bataille, qui avaient transféré le trône. Guillaume, quoi qu’il fît, ne pouvait pas les satisfaire, assouvir leur cupidité furieuse. Ils recevaient, n’en trahissaient pas moins, s’adressaient à Jacques en dessous. Lequel d’entre eux serait Abner dans la tragédie que l’on préparait ? Russell sur mer, sur terre Marlborough, semblaient propres à ce rôle ; mais on avait en France une telle estime de Guillaume, que l’on croyait encore que, lui vivant, nulle trahison ne suffirait. Lui mort, tout devenait facile. Un acteur inférieur devenait nécessaire pour que le cinquième acte d’Athalie s’accomplît, que Joas fût vengé et que l’arrêt du ciel devînt la leçon de la terre.

Nous possédons un livre intitulé : Récit véritable de l’horrible conspiration tramée contre la vie de sa sacrée majesté Guillaume. III. Ce livre nous apprend qu’en 1691, sous le ministère de Louvois, un capitaine, nommé Grand val, offrit aux cours de Saint-Germain et de