Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/608

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’espérance de l’Italie. On voit que cette pensée le soutient et l’enflamme ; on sent qu’un homme nouveau a pris la place du condottiere, un homme plus grave, quoique toujours impétueux, plus maître de lui, plus assuré de ses principes et tout prêt à répondre aux appels du destin.

Après la fin du siège de Montevideo, Garibaldi vivait comme le plus humble et le plus pauvre des citoyens dans cette ville qu’il avait si vaillamment défendue, lorsque, l’année suivante, en 1847, le bruit des réformes libérales accomplies par Pie IX arrive jusqu’en Amérique. Le cœur de l’exilé bondit de joie ; il prend la plume et adresse au pape, par l’entremise du nonce, une lettre de remercîmens respectueux, de félicitations ardentes, en lui offrant le secours de son bras pour l’accomplissement de ses desseins. Un de ses plus vaillans compagnons d’armes, Anzani, avait signé avec lui cette missive enthousiaste :


« Ceux qui vous écrivent, disaient-ils, sont les mêmes hommes, très honoré seigneur, qui ont pris les armes à Montevideo pour une cause dont vous avez reconnu la justice. Pendant les cinq années que dura le siège de cette ville, chacun de nous a donné plus d’une fois des preuves de résignation et de courage. Grâce à la Providence, grâce à l’antique esprit qui anime encore notre sang italien, notre légion a eu maintes occasions de se distinguer, et chaque fois que ces occasions se sont offertes, je puis le dire sans vanité, elle a laissé bien loin derrière elle sur le chemin de l’honneur tous les autres corps qui rivalisaient avec elle. Aujourd’hui donc, si des bras qui ont quelque expérience dans le maniement des armes sont accueillis par sa sainteté, il est inutile de dire que nous nous consacrerons avec plus de joie que jamais à celui qui a déjà tant fait pour la patrie et pour l’église. Nous nous estimerons heureux de prêter un viril appui à l’œuvre de libération commencée par Pie IX, nous et nos camarades au nom desquels nous parlons, et nous ne croirons pas que cette œuvre soit payée trop cher de tout notre sang. Si vous pensez, très honoré seigneur, que notre requête puisse être agréable au souverain pontife, veuillez la déposer au pied de son trône… »


Cette lettre, qui paraîtra si extraordinaire aujourd’hui, est datée de Montevideo 20 octobre 1847. Il est à peine nécessaire de dire qu’elle resta sans réponse. Quelques mois après, on apprenait à Montevideo la révolution de 1848. Garibaldi se décide aussitôt à partir pour l’Europe. Une souscription pourvoit aux frais du voyage, et le chef de la légion italienne s’embarque avec cinquante-six de ses compagnons. Sa femme et ses enfans l’accompagnaient. Un nègre nommé Aguyar, qui l’avait suivi dans toutes ses expéditions, ne voulut pas se séparer de son chef. C’est celui-là même qui servait d’écuyer au général au moment de son entrée dans Rome en 1849, et dont le singulier costume excita un si vif étonnement parmi