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produit les denrées qui font vivre la société entière, il faut reconnaître que l’étable est le foyer où se développe la force qui communique à tout le mouvement et la vie. C’est là que s’opèrent les mystérieuses décompositions de la chimie organique, c’est là que s’élaborent les principes de chaleur qui vont donner le branle à la rotation successive des récoltes. De même que dans une fabrique la production dépend de la puissance de la machine à vapeur, ainsi dans une ferme les forces productives sont généralement en rapport avec l’importance de l’étable. L’étable campinoise ressemble à ces écuries des maîtres hollandais, aux grosses charpentes brunies, tout encombrées de fourrages, aux profondeurs chaudes et lumineuses, où l’on entrevoit une vache paisible qui rumine, des poules qui se secouent et s’étirent sous un rayon de soleil, à côté d’un vieux cheval blanc à moitié endormi devant sa mangeoire. Les dimensions de l’étable sont relativement très vastes, parce qu’elle contient à la fois tout le gros bétail et le fumier qu’il produit pendant plusieurs mois. Le long du mur mitoyen de l’habitation et de l’une des parois latérales est établie une espèce de plate-forme élevée au-dessus du sol de deux ou trois pieds ; c’est sur ce trottoir, toujours tenu très propre, que circule la fermière pour donner leur nourriture et leur boisson aux vaches placées en contre-bas, la tête attachée entre deux montans de bois. De l’autre côté sont les chevaux et les jeunes bêtes. Le fond de l’étable est creusé au-dessous du niveau du sol, et dans cette excavation s’accumule le fumier en couches successives. On y place d’abord de la terre, des genêts, des gazons, des aiguilles de sapins et des mottes de bruyères destinés à s’imbiber de l’engrais liquide, qui n’est pas recueilli ici dans des fosses à purin. Au-dessus de ce premier dépôt se superpose la litière des animaux, qui peu à peu exhausse la masse sur laquelle ils séjournent. De temps à autre, pour arrêter l’émanation des gaz ammoniacaux, on ajoute une nouvelle couche de végétaux et de gazons que le cultivateur recueille avec le plus grand soin partout où il en peut trouver : à cet effet, il pèle la lande, il approfondit les fossés, il coupe les mottes d’herbe qui croissent le long des chemins et entre les arbres ; de tous côtés il fait ramasser les feuilles, mortes, souvent même il enlève des tranches de terre dans ses prairies et jusque dans ses champs cultivés. À vrai dire, c’est la superficie du sol qu’il transporte dans l’étable pour la mêler aux pailles décomposées, pour l’imbiber de sucs fertilisans, pour la pénétrer de vie et de chaleur animales, et qu’il reporte ensuite en plein air, préparée ainsi à se couvrir de riches moissons. Le fumier fabriqué à couvert par cette méthode, et contenant à la fois la litière des chevaux et celle des vaches, est bien supérieur, on le comprend, à celui qu’on accumule dans les cours ouvertes des