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les séductions de la renaissance n’ont détourné l’artiste de la voie où son instinct le poussait. Or l’étude prolongée des grands maîtres est l’écueil où se brisent les personnalités qui ne sont pas fortement constituées : les esprits indécis reviennent de Rome plus savans,. mais énervés. Les figures du bas-relief sont un peu plus grandes que la nature. Un jeune guerrier grec, tenant d’une main son bouclier et deux javelots, de l’autre son casque, dit adieu à son père aveugle. Il part pour des combats où il succombera peut-être. Le père, assis dans un fauteuil semblable à ceux que représentent les vases peints, veut garder un souvenir plus vif et comme une empreinte des traits chéris qu’il ne peut plus voir. Il promène sa main gauche sur le visage de son fils, tandis que la main droite tâte sa poitrine et cherche si le cœur bat comme il convient à un brave. Pendant ce temps, la femme dû guerrier, placée derrière lui, la main enlacée à sa main, succombe à sa douleur et laisse tomber sa tête sur l’épaule de son mari. Le mouvement est si expressif, les lignes sont si charmantes, le cou et le galbe de la joue sont si suaves qu’on sent la beauté du visage qui est caché et qu’on en devine l’émotion. Ce trait, loin d’affaiblir l’impression pathétique, l’accroît, parce que l’imagination du spectateur suppose bien plus que l’artiste ne lui dérobe.

Le groupe est d’un effet agréable, la silhouette pleine de grâce. On peut dire que le style général a quelque chose d’antique. Les poses, les profils, le choix des ajustemens, la petite tunique du jeune homme avec sa double ceinture et ses plis coquets, les draperies de la femme, souples, étoffées, abondantes, pleines d’harmonie, sans cesser d’être simples et d’accuser les formes, tout est d’un bon goût qui rappelle les frises d’Athènes et les bas-reliefs funéraires qu’on y découvre fréquemment, et qui représentent des adieux plus tristes encore. Si l’on ne considère que l’ensemble de la scène, on est charmé, on reconnaît que le sculpteur a puisé aux meilleures sources, tout en restant original. Si au contraire on étudie les détails, il faut suspendre ses éloges, parce que l’exécution n’est pas sans sécheresse et offre des parties plus faibles. Le nu n’est pas rendu avec assez de liberté, la facture est incertaine et ressemble à celle qu’on apprend dans l’atelier des professeurs. Le vieillard, bien que ses mains soient d’une intention si heureuse, n’est pas à la hauteur des autres figures, il sent encore l’écolier. Ces critiques ont d’autant plus de portée que le bas-relief n’est qu’un modèle en plâtre. Lorsque M. Perraud l’exécutera en marbre, il lui sera facile de faire disparaître ces défauts et de montrer l’indépendance qu’a depuis acquise son ciseau.

Au même ordre d’études appartient une esquisse qui fut également composée à Rome. Le sujet est tiré de Pausanias, qui raconte