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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/728

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bien capricieuse, les gorges qu’elle traverse sont abruptes, les viaducs y seraient nombreux ainsi que les tunnels ; mais il y aura bien d’autres difficultés vaincues, si l’on relie Toulon à Gênes par le chemin de la Corniche.

La traversée des Pyrénées par les Alduides n’a donc rien qui puisse étonner par sa hardiesse, puisque à chaque pas on lui trouve des points de comparaison. Si maintenant on jette un coup d’œil sur des projets qui ne sont encore qu’à l’état d’étude, on en trouvera de bien autrement hardis dont les esprits les plus sérieux ne se sont pas effrayés. On peut bien affirmer que la réputation de M. E. Flachat n’est pas seulement française, elle appartient au monde industriel tout entier. Depuis trente ans, M. Flachat se trouve mêlé à toutes les grandes entreprises, tantôt comme ingénieur et constructeur de machines, tantôt comme artiste, lorsqu’il arrache la cathédrale, de Bayeux aux mains des démolisseurs ; c’est à lui qu’on doit l’introduction des ponts métalliques en France. Non content de la traversée des Alpes par le Mont-Cenis, il propose un second tracé où les pentes s’élèveront à 6 pour 100, afin d’éviter des dépenses considérables. Ce n’est pas la conception d’un commençant, c’est le fruit de trente années d’expérience mis au service d’une des idées les plus hardies qu’ait enfantées l’art de l’ingénieur. De pareilles tentatives ne sont pas toujours couronnées de succès, mais elles restent comme de lumineux jalons, et elles montrent dans ce cas particulier que le chemin des Alduides n’a en lui-même rien qui puisse effrayer.

Dans tous les pays où la dépense eût été trop forte pour que l’industrie privée se chargeât à elle seule de la construction des chemins de fer, par le fait même qu’ils intervenaient pécuniairement, les gouvernemens ont dû se préoccuper des conditions vitales des compagnies qui assumaient une aussi lourde charge et engageaient leurs capitaux dans une spéculation dont le pays devait retirer le fruit. Suivant en cela les règles adoptées en bien d’autres matières, ils créaient un véritable monopole en empêchant la construction de lignes parallèles au moins jusqu’après avoir assuré le succès des intéressés. Toutefois si on devait entendre par lignes parallèles celles dont les points de départ et d’arrivée sont communs, bien peu de contrées eussent été appelées à jouir des chemins de fer. Le parallélisme n’existerait, à proprement parler, entre deux lignes que si elles parcouraient la même région en s’en disputant le trafic. Telle n’est pas la situation entre le chemin de fer du nord de l’Espagne et celui qui relierait Madrid, par Saragosse, Pampelune et les Alduides, à Bayonne. Séparés par quelques centaines de kilomètres et des chaînes de montagnes à un certain moment, ils desservent des régions bien distinctes ; l’un sert au commerce de l’est, l’autre à celui