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aurait usé d’autres procédés. D’accord avec l’ambassadeur Alquier, il fit rappeler de Civita-Vecchia un général dont l’indigne conduite ne pouvait que compliquer les difficultés en soulevant contre la France l’opinion publique. Presque au début de la querelle, il avait écrit à l’empereur qu’il lui serait plus facile de faire du pape un martyr qu’un homme raisonnable, ce qui était dire, dans le seul langage alors permis, qu’on ne le ferait pas céder, et qu’il fallait le prévoir.


II

Trop longtemps mêlé à ces déplorables affaires, Eugène eut au moins le bonheur de ne pas participer à ce qu’elles eurent de plus odieux. Lorsque le pape fut enlevé de Rome, il se trouvait transporté bien loin de là sur un théâtre plus digne de lui. L’Autriche, dont Napoléon lui écrivait naguère que, si elle bougeait, elle serait écrasée avant d’avoir pu réunir une armée, l’Autriche, encouragée par les signes non équivoques de la décadence morale dont l’empire français était déjà attaqué au milieu de ses prospérités apparentes, par la résistance des Espagnols et par le soulèvement de l’opinion publique contre l’oppresseur de l’Europe, venait de reprendre les armes et d’engager une lutte nouvelle, où elle devait encore succomber, mais qui mit en péril l’existence de son terrible adversaire. Napoléon, surpris au début de la guerre et réduit à faire usage de toutes ses ressources, se décida enfin à charger le vice-roi du commandement de l’armée qui devait défendre l’Italie.

On a cru généralement que l’empereur, en mettant à la disposition du prince Eugène le général Macdonald, depuis longtemps disgracié et écarté du service à cause de ses opinions politiques, mais à qui il reconnaissait du talent et du nerf, avait voulu lui donner un lieutenant capable de suppléer à son inexpérience. Il paraît cependant que Macdonald fut placé auprès du vice-roi comme un subordonné et nullement comme un tuteur, et que le vice-roi avait bien réellement et sans contrôle le commandement en chef. La confiance que lui témoignait ainsi l’empereur n’était-elle pas un peu prématurée ? le début de la guerre put le faire croire. Le 16 avril 1809, le prince Eugène fut battu à Sacile par l’archiduc Jean, son armée mise dans une complète déroute, et il se vit forcé d’abandonner la ligne de la Piave. Trop loyal et trop modeste pour essayer de dissimuler sa défaite ou d’en rejeter la responsabilité sur quelqu’un de ses généraux, la douleur qu’il éprouva fut d’autant plus vive que l’empereur ne lui épargna pas les reproches. Celui sur lequel il insista le plus, c’est l’insuffisance des informations que le prince lui avait fait parvenir sur les circonstances de cet échec, et qui, en lui