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est-elle venue s’établir en Angleterre et acclimater sous le pâle ciel de la Tamise une sorte de comédie muette qui avait vu le jour dans la patrie du soleil ? C’est là une question sur laquelle les meilleurs archéologues dramatiques n’ont pu me fournir que des renseignemens incomplets. L’histoire de la pantomime en Angleterre est très obscure : quelques antiquaires anglais, profitant peut-être de cette obscurité, ont voulu lui donner une origine ancienne et tout à fait nationale. C’est un fait reconnu que durant tout le moyen-âge la scène se divisait en trois plates-formes. À l’étage supérieur régnait l’Être suprême assis sur son trône. Sur la seconde plate-forme apparaissaient les anges et les esprits des justes admis aux faveurs du paradis. La troisième était occupée par les simples mortels, hommes et femmes, tandis que dans un coin de cette zone inférieure s’ouvrait toute béante une affreuse caverne appelée la bouche de l’enfer. À part le Père éternel, qui ne se montre jamais, on le pense bien, dans les divertissemens du théâtre moderne, et à cela près des anges, qui ont été remplacés par des fées ou des péris, comme dans le paradis de Mahomet, cette division donne assez bien les principaux plans de la pantomime anglaise. La première scène se passe encore le plus souvent dans une sombre caserne d’où les démons et les lutins se répandent sur le théâtre, comme ils faisaient déjà au moyen-âge, en excitant par leurs gestes et leurs grimaces le rire et l’effroi des spectateurs. Si maintenant on admet que la pantomime ait pu sortir de cet antre diabolique, les personnages italiens n’auraient fait que fournir des masques à un cadre de pièce qui existait depuis longtemps. Quoi qu’il en soit, la première pantomime anglaise dont les annales de la scène, aient conservé ! e souvenir ne date que de 1702. Elle fut jouée à Drury-Lane sous le titre de Tavern-Bilkers (les Escrocs de taverne), et par les soins d’un nommé Weaver, maître de danse.

La pantomime de Noël (Christmas pantomime), — et c’est la seule que j’aie en vue dans cette étude, — a sans doute subi avec le temps des modifications considérables. D’abord le nom lui-même ne lui convient plus guère, ou du moins ne lui convient qu’à moitié. Ce genre de pièce se compose aujourd’hui de deux parties distinctes, l’une où l’on parle et qui est le plus souvent écrite en vers, l’autre qui est abandonnée aux acteurs muets. Cette circonstance confirme encore, il me semble, l’origine étrangère, sinon de la pantomime elle-même, du moins des principaux personnages qui y figurent. Dans les commencemens, sans aucun doute, les acteurs ne parlaient point, et ils avaient de bonnes raisons pour cela ; mais à mesure que le sang anglais s’est, pour ainsi dire, infusé dans les types italiens, on a trouvé qu’il y avait avantage à appuyer les effets mimiques sur les jeux d’esprit et sur un dialogue le plus souvent