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Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/894

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et le portrait peints par M. Jalabert, nous nous autoriserons à la fois de la grâce un peu féminine dans la manière et de l’habileté que révèlent ces deux toiles. La Jeune Veuve est une scène adroitement composée, — trop adroitement peut-être, car on y sent quelque excès de recherche, — un groupe finement expressif par le charme langoureux des attitudes, des contours, du coloris, et, la tête du plus petit des deux enfans exceptée, par la délicatesse du modelé. La seconde toile, avec plus d’énergie dans le ton, à la même douceur, la même harmonie dans le style. Moins résolument traité que chacun des portraits de M. Cabanel, moins savant à plus forte raison que le portrait peint par M. Flandrin, ce portrait de femme mérite d’être compté parmi les plus agréables ouvrages en ce genre exposés au Salon, et, n’était une erreur assez grave dans l’attache et dans le dessin du bras droit, il trouverait place à côté des plus corrects. C’est aussi à un rang fort honorable qu’il convient de classer un portrait d’homme judicieusement posé et exécuté par M. Emile Lecomte, et plusieurs travaux de même sorte où MM. Dumas, Lenepveu, Roller et Durangel ont fait preuve soit d’une habileté déjà mûre, soit d’un bon vouloir auquel les encouragemens sont dus.

S’il fallait, en regard des rares efforts tentés dans le domaine de la peinture d’histoire, énumérer tous les essais, toutes les œuvres de quelque valeur dans l’ordre de la peinture de genre et de paysage, il est peu de toiles qui commanderaient absolument le silence parmi cette multitude de scènes d’intérieur ou de sujets rustiques. Combien y en a-t-il toutefois qui mériteraient d’être isolés du reste ? Comment faire un choix entre ces travaux où la différence du bien au mieux est presque insensible, où les témoignages d’habileté sont à peu près équivalens, et les moyens d’expression également conformes à certaines règles ? Tous les peintres de genre aujourd’hui, tous les paysagistes, savent parler et écrire la langue pittoresque sans injure sérieuse à la grammaire ; tous savent orthographier pour ainsi dire le récit d’une anecdote ou les termes consacrés d’une églogue. Les plus prudens, comme M. Vetter dans son Bernard Palissy, procéderont par allusions à quelque œuvre connue aussi bien qu’aux exemples de la réalité ; les plus hardis, comme M. Rousseau dans son Chêne de la Forêt de Fontainebleau, concentreront sur une étude à outrance d’après nature des efforts qui eussent abouti autrefois à la composition d’un tableau. Nulle trace d’invention d’ailleurs dans la plupart de ces représentations soigneuses ou adroites des faits empruntés aux chroniques, à la vie familière ou aux champs. À part la ressemblance matérielle des portraits., — mérite essentiel assurément en pareil cas, mais qui ne saurait pourtant résumer toutes les conditions de l’art, — quel intérêt peuvent exciter au fond