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était déjà dans ce seul nom ; mais elle ne connaissait aucune règle, et s’abandonnait à l’empirisme le plus grossier. Tout y était désordre et confusion, comme dans ces sombres laboratoires où elle s’exerçait, et que l’art hollandais a si souvent reproduits avec un charme mystérieux.

Les corps simples, au nombre de soixante-deux, sont les élémens de la chimie moderne. Un grand nombre de ces corps a été découvert depuis un siècle ; mais beaucoup d’entre eux étaient connus de toute antiquité, notamment les métaux usuels. Les anciennes théories n’y voyaient point une substance unique. Beccher, qui vécut de 1625 à 1682 et fut médecin de l’électeur de Bavière, considérait les métaux comme formés d’une terre et d’une matière qui s’en séparait lorsque les métaux étaient soumis à la combustion. Le fer, par exemple, était regardé par lui comme un mélange de ce que nous nommons la rouille et de cette substance hypothétique qu’il nommait le soufre par respect pour la tradition paracelsienne. Stahl, qui adopta les idées de Beccher (il vécut de 1660 à 1734, professa à Hall, et fut plus tard médecin royal à Berlin), appela cette substance du nom nouveau de phlogiston ou combustible. Il fut le vrai fondateur de la théorie phlogistique, qui donna naissance à la théorie de la combustion, aujourd’hui universellement admise, et fondée sur la découverte du gaz oxygène. Les idées de Stahl sur la production des métaux au moyen de leurs terres (ou oxydes, pour employer la terminologie actuelle), par l’addition dû phlogistique, furent adoptées dans toute l’Europe. Elles exercèrent une telle influence sur les esprits, qu’au moment où l’on découvrit les deux gaz simples dont l’étude devait révolutionner toute la science, l’oxygène et le chlore, on les nomma d’abord : le premier, air sans phlogistique ou déphlogistiqué ; le second, acide muriatique sans phlogistique[1]. La découverte de ces corps simples, celle de la théorie véritable de la combustion, les travaux célèbres de Lavoisier et de son, école, renversèrent rapidement l’ancienne théorie. La distinction des corps simples et, des corps composés avait désormais une base solide, et la classification chimique devint possible.

Il ne suffisait pas de reconnaître l’existence des corps simples et des corps composés, Les combinaisons des corps simples sont-elles réglées par des lois fixes et invariables, ou doivent-elles être regardées seulement comme des mélanges qui peuvent s’opérer en toutes proportions ? Les propriétés de ces agrégats sont-elles permanentes, ou varient-elles d’une manière indéfinie ? Ces questions étaient encore

  1. L’oxygène fut découvert presqu’en même temps, en 1774, par Priestley, Scheele et Lavoisier, le chlore par Scheele dans la même année.